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    BULLETIN DE L'AEFEK n° 25                                

     ISSN 1951-6584

    Janvier  2023

      

    SOMMAIRE

     

    • Cuisine domestique en « pays de marché » de la région d’Angkor. Le cas de Roluos
    • Les Archives nationales d’outre-mer à Aix-en-Provence & le Cambodge
    • Le fonds Asie dans la bibliothèque des Archives nationales d’outre-mer
    • (Re)découvrir Nokor khmer, éphémère mais ambitieuse revue de diffusion des connaissances du monde khmer

    Cuisine domestique en « pays de marché » de la région d’Angkor. Le cas de Roluos

    Bien que le présent texte se laisse facilement lire de manière indépendante, il était conçu au départ comme la partie finale d’un ouvrage sur les pratiques culinaires des zones rurales de la région d’Angkor. La « ruralité » en question devait couvrir des villages parmi les plus retirés (ou les moins touchés par la modernité, jusqu’à un temps récent), passant par ceux assez influencés par les centres urbains pour aboutir à un nombre de maisonnées situées plus ou moins directement autour de la zone dite srok phsa, « pays de marché » [1]. Pour des raisons de format, l’ouvrage qui en résultait se limitait au premier groupe seulement [2].

     

    Aujourd’hui, l’occasion m’est généreusement offerte par le BAEFEK de présenter le dernier groupe de villages ruraux, selon le format adopté pour l’ouvrage en question, c’est-à-dire à la manière d’un récit ethnographique, accompagné d’un grand nombre d’illustrations. Pour cela, c’est sur la zone dite du « marché de Roluos » que porte mon choix. Situé à environ 3 km au sud de la route nationale 6, son nœud central est composé d’un important marché couvert, situé immédiatement sur la rive ouest de la rivière de Roluos, et largement débordé en étalages à l’air libre le long de cette rivière. Autour du marché couvert, sauf sur le côté est, se trouve un ensemble d'une trentaine de locaux de commerces sous forme de « compartiments chinois ». C’est un centre qui constitue l’unique relais vers l’intérieur, grâce à la rivière, pour les produits venant du fameux village lacustre de Kompong Phluk, sur le Tonlé Sap, ou passant par lui. Plaque tournante de la région, le marché voit rayonner vers ses périphéries un important faisceau de pistes qui le relie à un grand nombre de villages et d’agglomérations. Il me faut préciser tout de suite que j’exclus de ma considération ce nœud central de la zone, celui dont il vient d’être question, étant donné son caractère assez fortement urbanisé. C’est sur sa périphérie que porte mon intérêt. Ici, six maisonnées m’ont semblé suffisantes et aptes à couvrir la diversité des situations à l’intérieur de la petite zone considérée. Elles appartiennent aux villages de Ta Prak (rives est et ouest), Daun Teav, Roluos Lech, tous les trois timidement urbanisés. On les désignera par les lettres de l’alphabet A à F. 

     

    Trois maisonnées possèdent encore des rizières dont deux ne sont pas directement exploitées par leurs propriétaires respectifs, qui préfèrent les louer contre un pourcentage sur le rendement. L’éloignement en est une raison : les rizières se trouvent dans l’aire des inondations annuelles du lac Tonlé Sap. Mais la raison principale est que les possesseurs exercent des activités autres que la riziculture, plus rémunératrices, dans les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, des transports divers…

     

    La maisonnée F exceptée (infra, 3.3), tout le reste est marqué par des liens familiaux et sociaux encore très forts, qui ne la différencie guère de ce que l’on observe dans les villages véritablement ruraux. Il faut dire, quant à l’environnement, que l’élément capital qui atténue sensiblement la différence souvent observée entre ruralité et milieu urbanisé est la présence de la rivière de Roluos, source de poissons, crustacés et autres batraciens, même durant une grande partie de la saison sèche. Certes, en termes de pourcentage des gens qui la pratique, la pêche individuelle pour la consommation familiale quotidienne est loin d’être généralisée comme dans les villages de l’amont, mais l’exploitation de la rivière n’en est pas pour autant négligée et, le grand marché tout près étant le premier relais, les produits frais en sont d’un prix raisonnable. Pourtant, c’est cette monétarisation marquant la vie quotidienne de manière plus prononcée ici que dans les villages retirés qui sort la zone étudiée de la grande ruralité.

     

    En effet, ce qu’on ressent assez nettement ici, c’est un certain poids de l’économie de marché dans la vie quotidienne. Cependant, dans le fond, la cuisine n’en est pas excessivement affectée. Si les achats se font plus fréquents ici que dans les villages éloignés, c’est surtout parce qu’on fait usage de plus de produits manufacturés comme l’huile végétale, la saumure de poisson (teuk trei), la sauce de soja (teuk s-iv) [3], par exemple, ce qui implique que les types de mets peuvent légèrement différer de ceux des campagnes profondes. La zone de forte concentration du marché exceptée, les maisons possèdent encore des potagers, souvent assez riches. Mais des plantes spontanées qui, ailleurs, poussent volontiers sur des terrains vagues, un peu arides (que les gens d’Angkor appellent par le générique dop) – genre ph-av [4], tromoung [5] – sont ici peu présentes. 

      

    1. Phum Ta Prak

     

    A et B relèvent du village de Ta Prak qui jouxte le marché, côté sud. Les deux maisons se regardent en biais, l’une (A) sur la rive est et l’autre (B) sur la rive ouest du Stung Roluos. Les liens de parenté sont à la fois proches et complexes. Simplifions en disant que le chef de famille de la maisonnée A est un frère de la femme de la maisonnée B. Chacune des familles est entourée spatialement par des maisons des descendants et des parents. 

     

    1.1. Maisonnée A, somlâ prohoe et poisson sec grillé

     

    NB : La soupe somlâ est l’un des deux principaux genres dans la grande catégorie des « mets liquides » (mhaup teuk), par opposition aux « mets secs » (mhaup kôk). Ce genre est composé à son tour d’une série de types. Le type prohoe évoque, par ce qualificatif difficile à traduire, une saveur gustative et olfactive très discrètement parfumée.

     

    L’espace cuisine ici ne fait pas corps avec la maison, mais n’en est pas tout à fait indépendant non plus, puisqu’il s’appuie au moins sur deux de ses colonnes postérieures. La photo 1 montre l’ensemble vu de l’angle sud-est, la maison regardant l’ouest, c’est-à-dire la rivière et la petite piste qui la longe. La partie arrière du terrain est occupée en grande partie par un riche potager. 

     

    Quand je suis arrivé ce matin-là, la mé phteah (« mère du foyer ») [6] était déjà revenue du marché, situé à deux pas, mais de l’autre côté de la rivière. Elle avait dépensé 10 000 riels (environ 2 €) pour les produits suivants, qui lui auraient coûté 13 000 riels à Siem Reap : un poisson phtuok, une grosse poignée (environ 300 grammes) de petits poissons chongva, deux courges nonông, un quartier de citrouille, une pastèque. Les poissons, mis en vente au marché, venaient tout frais d’une pêche locale, tandis que le reste venait du village même. Un fait inattendu mérite d’être signalé : sur le chemin du marché, la dame fut arrêtée par une autre femme du village qui lui offrait un poisson sec entier [7]. La donatrice avait-elle vu l’enquêteur chez la dame et, de là, sentait qu’il pouvait être invité à déjeuner ? Difficile de le savoir, mais en tout cas un poisson sec entier, ce n’est pas rien. J’ai seulement appris que pour des petites choses qui lui manquent pour sa cuisine, la donatrice, qui ne vit pas dans le voisinage immédiat [8], vient souvent se servir dans le potager de la maison qui présentement nous concerne. 

     

    La dame vit avec son mari et une de leurs filles, celle-ci n’étant pas encore mariée. Ce matin-là, la jeune fille venait un instant lui donner un coup de main, profitant d’un petit moment creux dans son négoce de noix de coco au marché de Roluos, juste à côté. Dans le potager, mère et fille cueillent des feuilles de bah [9] et des épinards phti (photos 2 et 3), de ciboulette, de citronnelle, d’herbe chi  neang leak (sorte de basilic). Les photos 4 et 5 montrent la plupart des produits achetés et cueillis dans le potager. Le reste des ingrédients – prohok [10], ail, sucre, sel, mono-glutamate de sodium [11] – sera puisé dans les provisions de la cuisine. La photo 6 montre une variante quant au traitement de la citronnelle, qui est ici battue à coups de pilon au lieu d’être pressée en rotation entre deux mains, avant d’être placée dans la marmite en même temps que l’ail écrasé, où viennent les rejoindre les morceaux de la citrouille et de la courge. Quant au prohok, il est de type prohok ch-eung [12]. C’est ainsi qu’il n’est pas directement mis dans la marmite, mais on l’écrase dans un bol à part, dans lequel on verse du bouillon tout chaud, ne gardant que la substance liquide, rejetant les parties grossières, dont les arêtes (photo 7) [13]. C’est à ce stade qu’on met les poissons, et en dernier lieu les feuilles de bah et de phti, la ciboulette et l’herbe chi neang leak (photo 8). Ici où là, j’entends dire que celle-ci, pour un somlâ prohoe, est utilisée en alternative avec le m-âm [14]. Ici la dame m’en apprend plus : si, à la place du basilic neang leak, le m-âm est utilisé, elle n’aurait pas pris le phti et le bah comme légumes, mais autre chose, par exemple des pousses de pastèque, des tranches de palme à sucre, du taro, des champignons divers, sans oublier d’ajouter au tout une poignée d’ombok (premier paddy fraîchement moissonné, mis à griller avec la balle, puis décortiqué au mortier) [15]. Le trei ngiét (poisson sec) n’est utilisé qu’en partie [16]. Grillé (photo 9), il aura comme accompagnement la pastèque (photo 10) [17].

     

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      Maisonnée A, somlâ prohoe et poisson sec grillé : photos 1 à 11.

      1.2. Maisonnée B, une soupe somlâ, une friture et une grillade

       

      Du point de vue strictement culinaire, nous avons sans doute affaire ici à la maisonnée la plus urbanisée de notre échantillon. Un couple dans la cinquantaine, d’une situation économique relativement aisée, a cinq enfants dont seule la benjamine qui vient tout juste de se marier n’a pas encore fondé son propre foyer. Il nous importe de connaître deux détails. Premièrement, la mère travaille à l’occasion comme cuisinière dans des entreprises locales qui assurent les repas des banquets de mariage et autres. Deuxièmement, l’un des fils, que nous allons voir à l’œuvre tout à l’heure [18], travaille dans un restaurant pour touristes sur la route nationale 6. L’une comme l’autre sont donc familières d'une cuisine de type « urbain », pour ne pas dire plus. 

       

      L’espace cuisine est important, occupant la partie arrière de la maison. Dans la photo 11, qui n’offre qu’une vue partielle, on voit un foyer en quelque sorte « à la chinoise », doté d’une cheminée. En bas, à droite, on distingue une râpe électrique pour noix de coco, dont la présence ici ne s’explique que par l’activité occasionnelle des cuisinières de banquets. Le repas de cette fin d’après-midi comportera trois mets, ce qui est beaucoup : un somlâ mchou l-hong (soupe acide de papaye verte), une friture d’anguille et des poissons-chats grillés. 

       

      NB : Un somlâ de type mchou doit avoir un goût dominant tirant vers l’acidité. L’élément acide (mchou) peut être choisi parmi une grande variété de fruits ou de feuilles de plantes cultivées ou sauvages, et varie souvent selon les saisons et les environnements.

       

      Tout vient du marché (poissons, anguilles, ail, échalote, tamarin mûr, basilic sacré [19], ciboulette et gingembre) et des provisions dans la cuisine (comme la saumure de poisson), sauf la papaye, la citronnelle et le galanga, cueillis et déterrés dans le terrain de la maison (photo 12). Les morceaux du poisson phtuok pour le somlâ sont mis dans un panier, à côté de deux poissons-chats (ondèng) pour la grillade, tandis que la dame épluche les papayes vertes (photo 13). Disposés sur la planche à hacher (photo 14) : galanga et citronnelle pour le somlâ, gingembre, échalote et ail pour la friture. Dans la marmite pour le somlâ, l’ail écrasé, le galanga et la botte de citronnelle sont placés en premier dans l’eau (les deux derniers en seront retirés par la suite, après avoir infusé suffisamment). A cela on ajoute du sucre en poudre, un peu de sel et un peu de prohok. Viennent ensuite les tranches de papaye. Le tamarin mûr est utilisé comme mchou (élément acide) pour le somlâ. On en extrait la substance acide et rejette les éléments grossiers. Il n’y a rien de spécial à signaler pour la grillade des poissons-chats (photo 15), sauf qu’on s’attendrait à voir l’emploi du boucan en bambou, comme dans la campagne retirée, et non un gril métallique acheté au marché. Par ailleurs, ici on utilise du charbon, ce qui est loin d’être le cas de la plupart des maisonnées, étant donné sa relative cherté. 

       

      Réexaminons la photo 13 : seul le panier utilisé pour les papayes est en vraie vannerie, car il n'en existe pas de cette taille en plastique. La boîte rose pour ranger debout cuillères, fourchettes et baguettes, rappelle les restaurants. Un ustensile de taille achève de nous convaincre qu’on est là dans une maison moderne : la cocotte électrique pour le riz.

       

      Au marché, on a pu trouver seulement deux anguilles de taille bien modeste, que le jeune homme découpe en menus morceaux (photo 16). L’élément sucré de la friture sera le sucre de palme mais, détail qui n’en est pas un, l’élément salé sera la saumure de poisson teuk trei (photo 17), ingrédient prisé des gens de la ville et systématiquement présent dans les restaurants [20]. On passe à la poêle contenant très peu d’huile végétale les fins tronçons d’anguille, l’échalote, le gingembre et l’ail, ajoutant sucre de palme et teuk trei. Le fourneau de la cuisine étant occupé par le somlâ et la grillade, on installe la poêle sur une bonbonne à gaz sortie d’un coin, comme dans un restaurant [21]. Sur la table, on voit, de plus, un condiment à base de banane verte (préparé la veille), pour accompagner les poissons grillés, ainsi que quelques gâteaux num bot (photo 18). J’ignore combien de convives partageront ce repas.

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        Maisonnée B, une soupe somlâ, une friture et une grillade :  photos 11 à 18.

        2. Phum Daun Teav

         

        C relève du village de Daun Téav, en retrait d’environ 700 mètres vers l’ouest de la rivière. À la tête de cette maisonnée, un grand-père charismatique de 82 ans, forgeron encore actif, connu et respecté. Sa femme, de nature plutôt maladive, est aujourd’hui peu active et passe le plus clair de son temps dans les monastères. Le vieux couple possède deux rizières de superficie modeste dans le village même, l’une à 500 mètres environ à l’ouest de la maison, l’autre au nord. La première rizière se trouve dans un micro-environnement qui ferait oublier qu’on est dans le contexte d’un srok phsa. La plupart des enfants ont fondé des familles et ont leurs maisons dans les environs immédiats ou dans le même village. Une des filles, qui a plusieurs enfants déjà, vit pourtant avec toute sa famille chez le vieux couple parental. Est-ce pour alléger les tâches domestiques de la mère, le père étant toujours occupé avec sa forge et, en saison des pluies, ses rizières ? À cela s’ajoute un fils, doux et travailleur qui, pour quelque raison obscure, reste assez dépendant malgré son âge adulte, fréquentant plus volontiers ses neveux et nièces plutôt que ses frères et sœurs. Même si le vieux forgeron n’assurait plus une part notable des rentrées d’argent, son autorité morale serait quand même restée intacte. 

         

        2.1. Maisonnée C, un déjeuner soigné : un bok (ou un teuk kroeung sec)

         

        NB : Un bok se dit de tout mets sec (mhaup kôk) où le pilage dans un mortier constitue l’opération de base, tandis qu’un teuk kreung se situe normalement entre un mets liquide et un mets sec. Cet état intermédiaire est dû au rajout, en fin de préparation, d’une petite quantité d’eau à la substance principale, le plus souvent de la chair pure de poisson cuit, débarrassée de tout autre élément (arêtes, peau…). Le cas présent est peu banal. 

         

        Il faut préciser que le repas suivant n’était pas véritablement spontané, mais plutôt conçu à l’avance. J’avais, en effet, exprimé au patriarche mon souhait d’assister à une préparation culinaire, sans bien entendu exercer une quelconque influence sur le choix des plats. Il fut décidé en famille qu’on fasse un « teuk kroeung sec », ce qui revient à dire un bok. Deux ou trois fillettes (des cousines) ont pour tâche d’aller cueillir dans une mare contigüe à la rizière de l’ouest les plantes aquatiques nécessaires, qui serviront de légumes d’accompagnement. Ce seront des fleurs de jacinthe d’eau [22] (photo 19), du liseron d’eau, du konhchèt [23], du komping puoy  [24] (photos 20 et 21). Sitôt revenues à la maison, les deux plus grandes grimpent à l’arbre sdao [25] qui pousse devant la maison afin d’atteindre les branches du krosaing [26] (photo 22) se trouvant juste à portée de la main, et dont elles cueillent une demi-douzaine de fruits. 

         

        Pour une raison qui m’échappe, le forgeron fait venir sa fille aînée qui habite la maison d’à côté pour préparer ce repas. Dans la photo 23, on voit la plupart des éléments qui vont être pilés (bok) : un des trois poissons phtuok des rizières (à griller d’abord), une bonne quantité de prohok sach [27], des fruits de krosaing (encore entiers), de l’ail. Il y aura encore du sel, du sucre, du mono-glutamate. Enserrés dans des boucans en tiges de bambou sont trois poissons, ainsi qu’un paquet de prohok qu’on met à griller (photo 24). On découpe les fruits de krosaing en deux afin de récupérer les graines (photo 25) qui constitueront l’élément acide, d’une saveur particulière. Après grillage, les poissons sont soigneusement débarrassés de la peau et des arrêtes avant d’être pilés avec les autres ingrédients (photo 26). Et voilà le bok qui ne diffère du teuk kroeung que par le fait qu’il est sec (photo 27). On a auparavant acheté au marché deux crabes salés (photo 28), ce qui motive la courte remarque suivante. Nous sommes, ne l’oublions pas, dans la mouvance de l’important marché de Roluos, d’où l’accès possible et facile à ce genre de conserves macérées plutôt étrangère aux habitudes culinaires du milieu purement paysan ou rural, surtout à Angkor [28]. On prend soin de garder une partie du bok pour le père, qui mange toujours à part, dans son atelier. Dans la cuisine, mères et enfants se partagent une partie seulement de ce mets visiblement délicieux, car le repas ne réunit pas tout le monde (photo 29).

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          Maisonnée C, un déjeuner soigné : un bok

          (ou un teuk kroeung sec) : photos 19 à 29.

          2.2. Maisonnée C, un chruok et une friture de poisson

           

          NB : Chruok désigne dans la grande majorité des régions du Cambodge des condiments du genre légumes marinés dans le vinaigre, en gros l’anglais pickle ou le japonais tsukemono. Mais dans la région d’Angkor un chruok, tout en désignant le condiment acide, peut tout à fait le déborder pour désigner un mets à part entière. Dans d’autres villages, il m’est arrivé de faire connaissance avec une variété de chruok allant du simple légume mariné à un véritable mets, en passant par des genres d’amuse-gueule consistants [29]. Reconsidérant tout ce qu’il m’a été donné de voir, il reste explicable que c’est la saveur acide (ici la mangue râpée) qui classerait le mets dans la catégorie chruok. Or ici c’est la mangue râpée qui donne une saveur globalement acide à toute la composition liquide qu’est notre chruok.

           

          Mon passage n’étant pas prévu, nous allons cette fois assister à un repas ordinaire, sans soin particulier. Il était 11 heures, heure où les enfants sortaient de l’école. Voilà les filles qui arrivent les unes après les autres à quelques minutes d’intervalle, deux d’entre-elles ayant déjà eu le temps de se changer (photo 30). La jeune mère, prise par plusieurs occupations ce matin, s’empresse de leur faire à manger. Elle comptait aussi sur leur aide, et commençe par leur demander d’aller cueillir des feuilles de sdao dont un arbre pousse devant la maison, à côté de l’arbre krosaing qui a servi dans le repas précédent. Dans le chruok qu’on va préparer, ce sera cette fois-ci le seul élément qu’on n’a pas à acheter. L’une des filles s’exécute, mais c’est le frère dépendant mentionné plus haut, ainsi qu’un tout jeune garçon, qui se chargent de grimper à l’arbre. 

           

          Derrière la maison, on choisit de travailler à l’air libre, autour du puits. Alors que la mère fait la vaisselle, l’une des filles mets trois grosses aubergines directement sur le feu, dans l’un des deux foyers posés par terre. Sur l’autre foyer, on voit deux moitiés de deux poissons phtuok en train de frire dans une poêle (photo 31). On utilise pour cela du saindoux, chose devenue de moins en moins fréquente aujourd’hui, à la place de l’huile végétale manufacturée. À la quantité importante de mangue râpée – on choisit celles qui arrivent presque à maturité – la mère ajoute trois grosses cuillerées de sucre de palme (photo 32), puis une quantité conséquente de saumure teuk trei [30] (photo 33). L’acide, le sucré et le salé sont ainsi réunis. La pulpe des aubergines écrasée et la ciboulette découpée vont y être mélangées (photo 34). 

           

          Le repas n’est pas tout à fait prêt, il reste à frire les deux autres moitiés des poissons et à s’occuper des légumes. Les feuilles de sdao cueillies tout à l’heure sont trempées dans de l’eau qu’on met un court instant à chauffer (photo 35). En effet, il ne s’agit pas de les bouillir, mais juste de les mettre au contact de l’eau chaude, non bouillante, afin d’en tempérer l’amertume. En renfort viennent les feuilles de salat [31] qu’une fille a lavées soigneusement, et des tranches de pastèque. Avant toute chose, on prend soin d’emmener la part réservée au grand-père dans son atelier (photo 36, au second plan). Ce n’est qu’ensuite que les enfants s’assemblent avec leur oncle autour d’une table. Trois bidons en plastique font office de chaises, deux filles se contentant de manger debout (photo 37). Il est midi moins le quart.

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            Maisonnée C, un chruok et une friture de poisson : photos 30 à 37.

            3.   Phum Roluos Lech [32]

             

            D, du village de Roluos Lech, se trouve plus en amont par rapport au reste des maisonnées considérées, sur le bord ouest de la rivière. Le couple, encore relativement jeune, a marié ses deux filles et son très jeune fils en l’espace de deux ans à peine. Aujourd’hui, la maisonnée se compose de ces (encore) jeunes grands-parents et les trois jeunes couples avec chacun un enfant. Il faut dire qu’ici on a affaire à une grande maison en maçonnerie de type « villa », avec étage et quelques chambres. Dans la photo 38 on voit seulement un petit bout du mur mais, en revanche, la petite construction au deuxième plan apparaît bien. La partie fermée par un mur en terre sert de grenier à riz, la partie ouverte de cuisine. La grande famille, qui possède deux camions, est très active avec leur commerce de transport de terre et de sable pour le remblayage des terrains et autres travaux. 

             

            3.1. Maisonnée D, une salade de papaye (bok l-hong)

             

            Ce mets, considéré souvent comme une simple collation, est très populaire au Laos et en Thaïlande, préparé et servi chez soi aussi bien que dans les restaurants et buvettes. Au Cambodge, c’est seulement depuis une vingtaine d’années qu’il est servi dans le commerce, influencé en cela par la Thaïlande. C’est ainsi que le bok l-hong commercial « khmer » a peu à voir avec celui préparé, à l’occasion, chez soi, mais suit plutôt le som tam thaï dans ses grandes lignes [33].

             

            Venons-en à notre maisonnée D. L’ingrédient qui donne le nom au plat est la papaye verte. Dans la photo 39 la jeune femme, néanmoins grand-mère, est en train de cueillir une papaye verte dans un terrain tout proche où habite sa sœur veuve (infra, maisonnée E). Une voisine aide à la râper (photo 40). Voici ce en quoi la salade de papaye khmère est fondamentalement différente de celle des voisins : enserrés chacun dans un boucan, un paquet contenant une bonne quantité de prohok sach [34] et un poisson phtuok sont mis à griller à quelque distance, au-dessus des braises incandescentes (photo 41). La saveur acide ne vient pas du citron comme dans le commerce, mais on utilise ici le tamarin. Faute de très jeunes tamarins – on est déjà au mois de janvier – on prend des tamarins déjà bien formés, quitte à en enlever à la fois la peau et les pépins (photo 42) [35]. Ils seront pilés avec un ensemble d’ingrédients, pilés eux aussi auparavant, et composé d’ail, de piments, de gros sel et de mono-glutamate. Ensuite, la chair du poisson grillé, débarrassée des arêtes, et le prohok grillé (photo 43), seront rajoutés dans le mortier. Ce n’est qu’à la fin qu’on met par-dessus la papaye verte râpée. Le pilage se fait alors très doucement, parce qu’on ne doit pas l’écraser vraiment. Les légumes d’accompagnement seront : feuilles de kantuot [36], de smach [37], du basilic chi néang vorng, du chi ch-ap, des tiges découpées de haricot long. On ajoute une bonne quantité de cacahuètes (photo 44).

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              Maisonnée D, une salade de papaye (bok l-hong) : photos 38 à 44.

              3.2. Maisonnée E, une riche soupe somlâ kâko

               

              La partie arrière du terrain de la maison dont il vient d’être question jouxte celui occupé par la maison de la sœur aînée de la jeune grand-mère dont il vient d’être question. C’est ainsi que les deux sœurs se voient pour ainsi dire quotidiennement.

               

              Pour nous, c’est la maisonnée E. Veuve dans la soixantaine, et plutôt dans le besoin, cette sœur aînée a perdu son mari il n’y a pas longtemps. Aujourd’hui, elle vit dans une maison bien modeste (photo 45), avec deux de ses petits-enfants encore écoliers, ainsi qu’une dame plus âgée qu’elle, dont je ne connais pas la relation de parenté exacte. Depuis ce décès, tous les thngai sél (« jours des préceptes »), elle observe les « huit préceptes » bouddhiques, parmi lesquels l’abstinence alimentaire midi passé [38]. Par voie de conséquence, quatre fois par mois [39] elle n’assure pas la préparation des repas pour les petits enfants ainsi que pour la vieille femme. En effet, préparer un repas de A à Z suppose qu’on risque de se trouver dans l’obligation de supprimer la vie, celle des poissons et autres [40]. Alors autant y renoncer totalement. Ces jours-là, d’autres personnes, parentes ou du voisinage, ne manquent pas pour la remplacer. Autrement, les enfants peuvent eux-mêmes puiser dans les provisions, comme du prohok, du poisson sec, du poisson fumé, ou se préparer des choses simples comme les soupes à base de légumes, du chruok… ces jours-là. 

               

              La jeune sœur (maisonnée D) vient ce matin donner un coup de main pour la préparation d’un somlâ kâko. Je dois préciser que j’avais exprimé le souhait de voir comment on fait la cuisine ici, souhait qui a sans doute conduit ces dames au choix du mets. On sait qu’un somlâ kâko est toujours plus ou moins élaboré en raison du grand nombre de légumes à utiliser et, surtout, de la nécessité de préparer un riche ensemble d’ingrédients intimement mixés et pilés (kroeung). Le riche potager du terrain offre au moins les éléments suivants : papaye verte, banane verte, jaque vert, pousses de bambou, aubergines proprement dite (trop vèng), aubergines dites trop sruoy (photo 46) et trop nhong [41], jeunes tiges et feuilles de citrouille, fleurs et feuilles d’ongkea dei [42] (photo 47), feuilles de bah, feuilles de ngop [43] et citronnelle, ce qui fait déjà beaucoup. D’autres éléments viennent soit des terrains des voisins soit du marché : palmes à sucre [44] et portion de citrouille [45], haricot long (sondèk kuo), feuilles de citron kaffir [46], ail, curcuma, galanga, concombre amer, coco râpé [47] . Puisés dans les provisions de la cuisine : prohok, sel, sucre, mono-glutamate.

               

              On s’affaire à découper et réunir les légumes (photo 48). Quant au lait de coco, comme on a acheté la pulpe râpée toute prête, il n’y a plus qu’à la presser avec un peu d’eau. On avait évidemment préparé l’élément sans lequel il n’y a pas de kâko possible : l’ongkâ linh, riz décortiqué, grillé à sec dans une poêle, puis pilé (photo 49, en bas à gauche [48]) . C’est le goût de ce riz grillé qui donne le ton à l’ensemble. Certains ingrédients sont pilés ensemble, comme le curcuma, les feuilles de citron kaffir finement hachées au préalable, l’ail, le sel, le sucre, le mono-glutamate… pour rejoindre en premier le prohok (photo 50), dans la marmite contenant un fond de saindoux. Dès que le riz grillé y est versé à son tour, on met les tranches de poissons ondèng (très proche du poisson-chat, photo 51), les retournant un moment de manière à les imprégner de tout le kroeung. Ce n’est alors qu’on met les légumes, qu’on touille [49] en versant petit à petit, à intervalles réguliers, le lait de coco. De ce dernier on a pris soin de garder la quantité obtenue du premier pressage (khtih doem)   [50] pour s’en servir à la fin de l’opération.  En faisant le décompte – ingrédients pour le  kroeung pilé (curcuma, ail, feuilles de citron kaffir…) exclus – seize éléments végétaux ont été ici utilisés, ce que ne reflète guère visuellement le contenu de l’assiette (photo 52). Cela étant, il faut dire qu’un nombre moindre aurait fait l’affaire aussi.

               

              Ce qu’on vient de voir montre la coexistence entre un mode vie culinaire encore foncièrement rural et ce que peut offrir la proximité urbaine. Le coco râpé acheté au marché, qui pallie le manque de force mâle pour cueillir les fruits des cocotiers du terrain, en est un exemple. Mais le grand contraste – et pourtant cela fonctionne – est le type et l’état de la maison (revoir photo  45) et l’utilisation du camping gaz [51]. 

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                Maisonnée E, une riche soupe somlâ kâko : photos 45 à 52.

                3.3. Maisonnée F

                 

                C’est ici un cas spécial puisque la maisonnée en question nous concerne, mon épouse et moi, qui sommes plutôt des nouveaux venus, et dont le mode de vie diffère quelque peu de celui des autres habitants. De plus, nous n’occupons la demeure que de manière intermittente. Un élément de taille justifie pourtant son inclusion dans le chapitre : une dame native d’ici et bien connue des villageois assure en permanence le bon ordre de la maisonnée, à commencer par la préparation des repas. Non seulement elle s’occupe de la préparation des repas, mais très souvent elle est maîtresse dans le choix des mets. Enfin un dernier point d’importance à préciser : comme c’est nous qui assurons les frais occasionnés par ces repas, le souci du budget culinaire lui est épargné, ce qui lui confère une réelle marge de manœuvre.  

                 

                Comme la maison se trouve, elle aussi, juste en face du Stung Roluos [52], on voit la dame assez souvent évoluer du côté de la rivière, en saison des pluies comme dans une grande partie de la saison sèche (photo 53). Ce n’est pas tout : l’aîné de ses deux fils est particulièrement doué dans la recherche des poissons, batraciens et autres. À partir de février, comme la rivière en est de moins en moins chargée, au niveau de la maison, c’est vers les villages en aval qu'il erre, jusqu’au Phum Kompong Thkov par exemple. Autant la dame l’aime pour cette qualité, autant elle aime le fils cadet, encore très jeune, pour sa plus grande aptitude et sa disposition à étudier. Aussi, profitant d’une opportunité, vient-elle de s’en séparer en l’envoyant dans une grande banlieue de Phnom Penh en vue de son éducation, pour lui assurer un avenir.

                 

                La courte digression a pour but de souligner la situation et, surtout, la personnalité de cette dame qui se reflète dans ses activités culinaires. Elle sait à merveille, par exemple, marier le goût du terroir et l’esthétique. Appelons-la par son nom : Dame Ny, car c’est d’elle et de sa cuisine qu’il s’agit désormais. Dans ce qui suit, je ne relate que les préparations culinaires se déroulant de sa propre initiative et dont elle a la totale maîtrise. 

                 

                3.3.1. Somlâ mchou krolanh (soupe acide aux jeunes feuilles de krolanh)

                 

                Ce matin Dame Ny grille deux poissons, ayant en tête d’en faire un simple somlâ mchou. Derrière la maison, il y a un petit terrain vague jouxtant celui de la maison d’une famille modeste. Il y a là un arbre krolanh [53], assez imposant (photo 54). Comme c’est chez un voisin, Dame Ny va simplement en cueillir une certaine quantité de jeunes feuilles qui serviront de légume et en même temps d’élément acide (mchou) pour le somlâ (photo 55). Les autres ingrédients seront le galanga, l’ail et le mreah preou [54]. À la place du poisson grillé, du poisson fumé aurait fait l’affaire aussi. En tout cas, voilà un somlâ mchou des plus simples (photo 56). Il est peu probable qu’un citadin sache l’usage possible des feuilles de krolanh, à supposer, du reste, qu’il en connaisse l’arbre porteur.

                 

                3.3.2. Salade de proh sva

                 

                Le proh sva [55], plante poussant spontanément au ras du sol, d’un parfum indéfinissable [56], est idéal pour les salades dites nhoam en général. Il s’en trouve chez une voisine, et il n’y a plus qu’à en cueillir (photo 57). La salade en question est assez riche (photo 58). Comme composantes végétales, il y a encore de la fleur de bananier, quelques tranches de choux et de poivron rouge, les deux derniers éléments provenant du marché. Les composantes animales sont quelques khcau [57], de toutes petites crevettes et, surtout, des fourmis rouges ong krâng et leurs larves, que Dame Ny a récoltées ce matin derrière la maison. Il ne suffit pas de réunir des ingrédients, comme toujours il y a des astuces ou des détails à savoir : on annulerait totalement les saveurs gustative et olfactive particulières du proh sva si on venait à mettre de l’herbe chi néang vorng.

                 

                3.3.3. Plats de frelons

                 

                L’omal est une espèce de guêpe ou de frelon dont la piqûre est beaucoup plus douloureuse et plus dangereuse que celle d’une simple abeille. Et voilà qu’un nid d’omal s’est formé très rapidement dans un coin de la toiture arrière de la maison, à l’écart de la vue. Quand on s’en est aperçu, il atteignait une dimension déjà assez inquiétante. Il fallait évidemment l’enlever. Nous sommes dans une zone de srok phsa certes, mais il ne manque pas ici de gens à la fois habiles et courageux, disons des gens qui s’y connaissent. Le nid a pu donc être enlevé, de nuit, avec une torche, sans trop de souci. Mais, grosse surprise pour les propriétaires de la maison que nous sommes, Dame Ny demande à le garder, affirmant qu’une telle aubaine (ici culinaire) ne se présente pas tous les jours. 

                 

                Les guêpes-frelons sont réparties en trois groupes, correspondant à trois étapes de la croissance (photo 59) : tout blancs sont les plus jeunes, encore enfermés dans des cocons, puis viennent ceux dont on distingue déjà la tête et les pattes, enfin noirs sont ceux du dernier stade, juste avant celui de l’envol. Dame Ny les extrait de la ruche puis les tue avec de l’eau chaude, ce qui représente en même temps une opération de pré-cuisson puisqu’elle met un peu de sel et de sucre dans cette eau. Deux mets vont être préparés : une salade nhoam et un linh [58].

                 

                3.3.4. Encore un nhoam proh sva

                 

                On a vu ce qu’est le proh sva, et qu’il pousse chez une voisine. Les omal utilisés ici sont les tout jeunes dans les cocons et la catégorie intermédiaire. La partie végétale de la salade va consister cette fois-ci en proh sva, carotte [59], tomate, fleurs de sno [60] (photo 60, fleurs jaunes à côté de la carotte râpée). Les ingrédients pilés et mixés qu’on arrose de jus de citron sont : l’ail, l’échalote, du sel, une petite quantité de bouillon de prohok. Après un léger remuage, il n’y a plus qu’à penser à un brin d’esthétique (photo 61).

                 

                3.3.5. Omal linh

                 

                Dame Ny prend ici exclusivement les frelons noires. L’opération est assez simple. Dans un mince fond d’huile humectant une poêle bien chauffée, elle met des gousses d’ail puis verse les omal du dernier stade, sans oublier la ciboulette, et le tour est joué.  Un esprit pointilleux pourrait contester l’appellation car, en principe, linh signifie « griller à sec ». Mais je serais tenté de la justifier en prenant comme argument le fond d’huile plutôt insignifiant, permettant tout juste aux insectes de ne pas se coller les uns aux autres et au fond de la poêle elle-même. Quand on regarde le produit final (photo 62), on voit en effet qu’il ne ressemble pas exactement à une friture. 

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                  Maisonnée F, Somlâ mchou krolanh,  salade de proh sva, plats de frelons, nhoam proh sva, Omal linh :  photos 53 à 62.

                  3.3.6. Somlâ mchou kuoy 

                   

                  Kuoy, dernier élément du nom de ce plat liquide, est le nom de la plus célèbre des minorités ethniques indigènes du Cambodge [61]. La désignation peut se rendre par « soupe acide façon kuoy». En général, ce mets semble être inconnu des Khmers. Il est assez surprenant que Dame Ny le connaisse. En tout cas, il n’y a point de Kuoy vivant en communauté dans la région d’Angkor. Dame Ny a simplement entendu décrire le mode de préparation du somlâ par un parent ayant eu des contacts avec des Kuoy quelque part et, experte comme elle est, il ne lui a pas été difficile de le reproduire. Cette matinée-là, dans une atmosphère non formelle, je recevais plusieurs amis, presque tous étant des Français. 

                   

                  De sa propre initiative, Dame Ny prépare, entre autres, un somlâ mchou kuoy à base de viande de bœuf [62]. D’ordinaire la soupe devrait être très épicée, mais elle essaye d’adoucir la force des piments en en réduisant le nombre pour adapter le plat au goût des convives. J’ai fortement regretté de ne pas avoir assisté à la préparation de ce mets qui était là comme pour nous rappeler la profondeur des emprunts réciproques, souvent insoupçonnée ou négligée, que peuvent se faire les groupes humains. En matière de cuisine khmère, on parle volontiers d’influences chinoise, vietnamienne, thaïe…, par ailleurs à juste titre, mais a-t-on jamais pensé aux minorités ? Le point mérite d’être soulevé. Aussi demandé-je à Dame Ny de réitérer l’opération tout en me disant qu’en des circonstances ordinaires, la démarche n’est pas recommandée dans le cadre d'un terrain ethnographique. En tout cas, elle satisfera à ma requête quelque temps plus tard.

                   

                  À peu près tout a été acheté au marché de Roluos, et le seul changement sera du poulet au lieu du bœuf. Comme la préparation comporte deux cuissons successives, les ingrédients (kroeung) se répartissent aussi en deux groupes. Dans la photo 63, à part la moitié d’un poulet et les abats, on voit des feuilles de citron kaffir, des morceaux de galanga, trois gousses d’ail, des tiges d’échalote (dont on ne prendra que les bulbes) et de citronnelle, des feuilles de tromoung [63] pour l’acidité, celles du basilic sacré. La liste se complète avec la photo 64 : du sucre en poudre [64], du sel iodé, de la poudre Knorr [65], du prohok, de l’ail découpé pour être grillé. Il va y avoir une double cuisson, en quelque sorte. Les tiges de citronnelle sont mises en contact direct avec la flamme (photo 65) et les gousses d’ail non encore épluchées ainsi que le galanga avec la braise du fourneau (photo 66). Seules les feuilles de citron kaffir sont posées sur un gril. Ce premier groupe est destiné à la première cuisson. Pour cela, un mince fond d’huile est versé dans une casserole auquel se joignent le prohok, le Knorr, le sel et le sucre. Avec l’adjonction d’une faible quantité d’eau, on fait revenir le tout jusqu’à obtenir un bouillon qui se présente comme une sorte de pâte assez fluide. C’est alors qu’on verse les morceaux de poulet et les abats, que rejoint bientôt le groupe d’épices grillées. Pendant ce temps, une brochette de quatre piments [66] est placée à courte distance du feu (photo 67), qui vont être ensuite pilés puis versés sur le contenu de la casserole. Au moyen d’une spatule, on remue ce contenu pendant quelques minutes. Il ne manquerait qu’un légume quelconque pour obtenir à ce stade un plat à part entière, un « sauté » si l’on veut. Mais le mets visé est un somlâ, un mets liquide. Dame Ny ajoute une bonne quantité d’eau dans la casserole, puis verse les feuilles de tromoung qu’elle a auparavant découpées en fines tranches. Dès les premières ébullitions, la casserole est enlevée du feu, de même que les bottes de citronnelles et les morceaux de galanga grillé le sont de ladite casserole. Maintenant, le somlâ mchou dans son principe de base est là. Entre-temps, l’ail rencontré plus haut avait été grillé à l’huile, et les bulbes de ciboulette ébréchés au couteau aux deux bouts pour l’esthétique. Avec les feuilles de basilic sacré, ils sont ajoutés au somlâ de base. Les piments entiers qu’on voit flotter plus ou moins à la surface (photo 68), sont destinés à ceux pour qui les piments grillés puis pilés de tout à l’heure ne suffiraient pas. 

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                    Maisonnée F, Somlâ mchou kuoy  : photos 63 à 68.

                    3.3.7. Deux mets d’anguilles

                     

                    Aujourd’hui, sans qu’aucune demande ne lui ait été faite, le fils aîné mentionné plus haut s’en va avec deux de ses camarades du village à l’étang situé juste derrière la maison de la famille E (cf. Point 3.2). Au moyen d’un tulle de moustiquaire synthétique faisant ici office de filet de pêche (photo 69), ils capturent cinq anguilles (on en voit la toute première dans photo 70), quelques poissons kranh, phtuok et ondèng de taille modeste, sans oublier plusieurs batraciens. Je ne sais comment s’est fait le partage, toujours est-il que la part du fils en question revient à trois des anguilles, qu’il s’empresse de ramener à la maison. Mais comme il y aura déjà à manger ce soir, Dame Ny se contente de les préparer. L’opération a pour but d’enlever la partie visqueuse des anguilles. Elle consiste à les tremper quelques secondes dans de l’eau chaude, ensuite à les laver à l’eau froide, avant de les fendre dans le sens de la longueur (celle sur photo 71 porte des œufs tout le long du corps). On prend soin de saler légèrement le tout avant de procéder au dernier lavage. Garder la chose pour demain ne pose aucun problème ici, la cuisine étant dotée d’un réfrigérateur, ce que ne possède pas encore la plupart des maisonnées de ce « pays de marché ».

                     

                    Le lendemain, en vue du repas de midi, Dame Ny va confectionner deux plats d’anguille :

                     

                    a. Sngo ontung (soupe « sngo d’anguille »)

                     

                    NB : D’ordinaire, un sngo est une soupe nécessitant peu d’ingrédients. « Il est différent du somlâ dans la mesure où, en général, il ne comporte pas d’ingrédients pour le goût (citronnelle, galanga, curcuma…), encore moins de prohok. On ne recherche pas une saveur particulière, par exemple celle dite prohoe » (Cuisine rurale, p. 89). Pour simplifier, disons qu’un sngo est une soupe dont la cuisson a pour but premier de faire passer du cru au cuit. Un somlâ, en raison de ses riches ingrédients, vise, de plus, à transformer fondamentalement le goût.

                     

                    Bien qu’il s’agisse d’un sngo, le dénuement en ingrédients est ici somme toute théorique car, en plus d’une botte de citronnelle qu’on laisse infuser durant la cuisson afin d’enlever l’odeur forte de l’anguille, il y a un morceau de galanga écrasé, trois feuilles de citron kaffir, de l’ail, de l’oignon, sans compter du sucre de palme et de la poudre Knoor. Bottes de citronnelle, galanga et feuilles de citron seront enlevés à la fin. Dans photo 72, tout est presque prêt, il n’y a plus qu’à ajouter de fins tronçons de ciboulette avant de servir. Dame Ny a cru bon de préparer un chruok, c’est-à-dire une sauce acide pour acommoder la chair des anguilles : dans un petit bol contenant de l’eau chaude, elle verse un hachis d’herbes chi neang vorng, chi saing krohum, ciboulette, piment, du sel, après quoi, elle fait filtrer le jus d’un morceau de prohok sach grillé en utilisant une passoire et une cuillère pour presser la chair. Enfin, un généreux jus de citron est versé sur le tout. 

                     

                    b. Un sauté d’anguille

                     

                    C’est ici un chha kroeung, à savoir un sauté riche en ingrédients (kroeung) pilés ensemble dans un mortier (photos 73 à 75) : bulbe de citronnelle, rumdéng (galanga courant), khchiéy (grand galanga), ail, oignon, curcuma, piment, feuille de citron kaffir, prohok sach grillé, sucre de palme et fourmis rouges mêlées de larves [67]. On fait revenir ces ingrédients pilés en premier dans un wok contenant de l’huile toute chaude (photo 76). Ce n’est qu’ensuite qu’on verse les tranches d’anguille, sans oublier du Knoor en poudre. Des feuilles de basilic sacré et des tronçons de ciboulette viennent s’ajouter au tout, au moment de servir. 

                     

                    Les deux mets d’anguille de ce matin se voient dans photo 77.

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                      Deux mets d’anguilles  : photos 69 à 77.

                      3.3.8. Une soupe acide et une salade pilée

                       

                      a. Somlâ mchou pongro

                       

                      Nous sommes vers la fin du mois de janvier. C’est la période où l’on peut tirer le meilleur parti de certaines plantes spontanées. C’est le cas de l’arbre pongro [68] qui pousse devant une maison située à environ 400 mètres en amont, au bord de la petite route longeant la rivière de Roluos. Bien qu’il soit difficile de parler de « voisinage », Dame Ny connaît à peu près tout le monde ici. En ce début d’après-midi, se servant d’une perche de bambou appartenant à la maison située un peu en retrait par rapport à l’arbre, elle se met à cueillir des fruits de pongro mûrs (photos 78 et 79), destinés à donner le goût acide à la soupe, celle-ci étant, en effet, un somlâ mchou. Sitôt la cueillette faite, Dame Ny revient à la maison. Dans la cuisine, tout est déjà à sa disposition : un poisson phtuok, de la citronnelle, du galanga, de l’ail, du basilic sacré, du prohok, du sel, du Knoor. À présent les fruits de pongro mûrs viennent compléter le tableau (photo 80). Le résultat se voit dans photo 81. 

                       

                      b. Bok dongkiép kdam

                       

                      Rappelons que bok se dit de tout « mets sec » où le pilage dans un mortier constitue l’opération de base. Dongkiép kdam [69] est une plante spontanée produisant des graines acides, tirant même vers l’astringent. C’est ainsi, par exemple, qu’il ne serait pas approprié de l’utiliser comme élément acide d’un somlâ mchou. Un arbuste dongkiép kdam pousse à mi-chemin entre l’avant et l’arrière du terrain de la maison (photo 82), au milieu d’un fouillis de végétation sauvage. Dame Ny va préparer un bok, sans doute familier dans les campagnes, mais qu’il ne viendrait jamais à l’idée de quelqu’un de la ville de confectionner. Portant le nom de bok dongkiép kdam, ce mets ou cet  amuse-gueule nécessite néanmoins des éléments correcteurs à la fois de l’acidité et de l’âpreté de ces fruits minuscules. Le premier élément sont les fruits encore verts d’un vieil arbre chan [70] poussant à quelques mètres de l’espace cuisine, derrière la maison principale. Ils sont utiles en raison de leur amertume (photo 83). Le deuxième élément significatif, un ananas, est là pour apporter son goût sucré (photo 84). Il vient directement de notre potager. Le salé, lui, réside dans un morceau de prohok grillé et quelques pincées de gros sel. Enfin, à défaut de concombre trosok srov (« melon d’eau »), Dame Ny se contente de concombre ordinaire pour adoucir l’ensemble (photo 85). Le tout est mis dans un mortier. Il n’y a plus qu’à le piler (bok) légèrement (photos 86 et 87). 

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                        Somlâ mchou pongro et Bok dongkiép kdam : photos 78 à 87.

                         

                        S’il est permis de parler de « culture culinaire », on vient de voir qu’elle présente une grande richesse au sein de ce srok phsa qu’est Roluos, berceau de la première capitale d’Angkor au IXe siècle. Parmi  toutes les maisonnées présentées, une seule vit – et seulement en partie – de la riziculture, contrairement aux paysans des zones qualifiées de rurales. Les situations matérielles sont diverses. Celles des deux sœurs D et E, par exemple, sont loin d’être comparables l’une à l’autre. En d’autres termes, ces familles n’ont pas le même « pouvoir d’achat ». La notion peut avoir son importance ici, étant donné le caractère relativement urbanisé de la zone. La vie y est en effet marquée par une monétarisation plus prononcée que chez les véritables neak srè (riziculteurs). Mais un facteur d’importance est là, qui permet de relativiser l’affirmation : sans même compter le Stung Roluos, les micro-environnements naturels ne sont pas encore trop perturbés. Incluse dans le patrimoine mondial dans la foulée du classement du grand site d’Angkor, la zone demeure à un certain degré épargnée par les spéculations foncières et immobilières qui sévissent partout ailleurs.

                         

                        La famille A, dont la maison est située au bord de la rive orientale de la rivière, possède un riche potager dans le terrain de la maison, et semble avoir une habitude culinaire qui ne diffère en rien du fin fonds des campagnes. Pourtant, il suffit de passer de l’autre côté du stung pour voir la maison de la famille B – de plus, les gens des deux maisonnées sont parents – dont l’espace cuisine ainsi que le matériel correspondant présentent une modernité manifeste. L’environnement est pourtant le même, mais B est impliqué dans le milieu des restaurants pour touristes et les banquets de toutes sortes. Ce n’est certainement pas un hasard si on fait usage, ici, de saumure de poisson.

                         

                        Plus en retrait par rapport à la rivière, sans véritable potager, la maisonnée C profite encore de la mare contigüe à sa rizière et de quelques arbres devant la maison. Ici, tout jeunes écoliers, les enfants participent à la confection des repas.

                         

                        La maisonnée F est un cas apparemment tout à fait particulier. Les propriétaires vivent dans le village depuis une vingtaine d’années certes, mais de manière encore intermittente. Ce n’est cependant pas un critère décisif. Le caractère incomplet de leur intégration serait à rechercher du côté socio-professionnel et socio-intellectuel. Pourquoi donc inclure un cas atypique dans un tableau qui ambitionne de donner une idée générale, de refléter une vue non biaisée de ce « pays de marché » que sont les environs du phsa roluos ? Plusieurs arguments pourraient constituer la réponse. Notre sujet embrassant la culture culinaire, faisons-en valoir un seul, en la personne de Dame Ny, native de la région. Tous les repas et mets décrits étaient de sa propre initiative. Il est vrai que, par la force des choses, abstraction a été faite des possibles gênes financières ou autres difficultés qui l’auraient empêchée de réaliser tel ou tel plat, si tous les frais n’étaient pas assurés par les propriétaires. Mais rien qu’en passant très rapidement en revue ses mets, on s’aperçoit sans difficulté de l’exploitation optimale des ressources naturelles du village, très souvent spontanées, parfois insolites. Ceci ne serait possible sans la profonde connaissance et la capacité de création culinaire que maîtrise cette dame pourtant illettrée.

                         

                        ANG Chouléan

                         

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                        (1) La première des divisions des pays habités est celle entre krong et chunobot, autrement dit entre ville et campagne. À l’intérieur de cette dernière, et dans la zone qui nous concerne, on distingue entre srok srae et srok phsa, « pays des rizières » et « pays des marchés ».

                        (2) Ang Chouléan, Cuisine rurale d’Angkor. Essai de sociologie culinaire (en khmer et en français), Phnom Penh, Yosothor, 2020, 296 p.

                        (3) Ces deux condiments liquides d’origine étrangère (l’une vietnamienne, l’autre chinoise) mais d’utilisation assez systématique en ville, sont peu présents dans la campagne d’Angkor, et presque totalement absents des zones couvertes par Cuisine rurale. 

                        (4) Licuala spinosa.

                        (5) Garcinia oliveri.

                        (6) « Il s’agit toujours d’une femme, celle sur qui repose la gestion quotidienne des affaires domestiques. Normalement elle se doit d’être active. S’il y a trois générations dans une même maisonnée, la grande mère d’un certain âge n’est plus mé phteah, car les principales responsabilités incombent à la mère des enfants, plus jeune. » (Cuisine rurale, p. 27).

                        (7) En khmer : trei ngiét muoy kontuy, « une queue de poisson sec », expression qui se dit uniquement des poissons secs. En effet, pour être correctement salés et asséchés, les poissons sont toujours fendus longitudinalement en deux et mis à plat sans que les moitiés soient totalement détachées l’une de l’autre, ce qui donne l’impression visuelle de deux poissons unis par une seule queue.

                        (8) Non seulement la maison de la dame est flanquée à droite et à gauche par celles de ses enfants, mais derrière également.

                        (9) Coccinia grandis.

                        (10) Pâte de poisson fermentée, très salée, considérée comme typiquement cambodgienne.

                        (11) Msao soup, aujourd’hui systématiquement utilisé en ville comme à la campagne.

                        (12) À savoir un prohok bon marché fait de poissons de toutes sortes, dont on n’a pas enlevé les arêtes.

                        (13) On serait dispensé d’une telle opération si c’était du prohok sach, c’est-à-dire à base de poissons sélectionnés dont on a enlevé les arêtes. 

                        (14) Limnophila conferta. Poussant spontanément au bord des rizières, cette herbe aromatique est plus prisée que replantée dans le potager.

                        (15) Cf. image 7 dans Ang Ch., « Le terrain ethnographique à l’appui. Le premier mois dans l’ancien Cambodge et la fête des prémices du riz », in N. Abdoul-Carime, E. Bourdonndeau, G. Mikaélian, J. Thach (Eds.) : Temporalités khmères : de près, de loin, entre îles et péninsules, Peter Lang, 2021, pp. 197-219.

                        (16) Dans son principe même, le poisson sec est fait pour pouvoir être conservé. Il est bon d’en avoir parmi les provisions de la cuisine. Mais comme il est relativement cher, on n’en voit pas aussi fréquemment que le prohok.

                        (17) Le poisson sec est toujours salé à un certain degré, mais loin de l'être autant que les pâtes de type prohok. À la différence de ce dernier, il n’a pas besoin de légumes d’accompagnement (onluok) pour adoucir le salé. Cependant, et facultativement, on aime à marier le salé qu’il porte avec la douce saveur de la mangue mûre ou, comme c’est ici le cas, de la pastèque mûre.

                        (18) Il vient ici, aujourd’hui, et reste quelque temps pour donner un coup de main.

                        (19) Khm. mreah preou : Ocinum sanctum.

                        (20) Nous verrons sa présence plus tard au point 2.2, photo 33.

                        (21) À ne pas confondre avec les minuscules camping-gaz qu’on voit de temps à autres chez les gens. 

                        (22) Khm. komphlaok : Eichhornia crassipes.

                        (23) Neptunia oleracea.

                        (24) Ludwigia adscendens.

                        (25) Azadirachta indica. Les feuilles, amères, servent de légume d’accompagnement pour certains types de mets. Cf. infra, point 2.1.

                        (26) Feroniella lucida. Comme l’arbre est parsemé d’épines, les deux fillettes se sont servies de l’arbre sdao comme relais.

                        (27) « Prohok de chair » fait de poissons de qualité, dont on a pris soin d’enlever toutes les arêtes dans la préparation. 

                        (28)  Il est entendu que c’est pour simplifier que je fais une affirmation aussi carrée. Dans les régions littorales, mais aussi en milieu urbain d’une manière générale, le kdam prai (crabe saumuré), qui semble être d’origine chinoise / sino-vietnamienne, est bien connu et même assez prisé.

                        (29) Cf. Cuisine rurale, p. 48, pp. 96-99, pp. 140-142, pp. 144-148.  

                        (30) Ce sera la deuxième et dernière fois qu’on voit l’usage du teuk trei dans cette enquête.

                        (31) Genre de salade se rapprochant de la laitue comme de la batavia. 

                        (32) Voir aussi KhmeRenaissance, rubrique II, N° 63.

                        (33)  Cf. Cuisine rurale, pp. 130-132. 

                        (34) Rappel : prohok de qualité, sans arêtes.

                        (35) Si c’était en pleine saison des pluies, on aurait pris les très jeunes tamarins dits kdeup ompil, s’épargnant les deux opérations préalables.

                        (36) Phyllanthus acidus.

                        (37) Syzygium zeylanicum, plante spontanée dont les feuilles ont un goût légèrement âpre. 

                        (38) Soulignons le caractère avant tout personnel et volontaire de ce choix, car rien n’oblige à le faire, sinon que la tradition considère l’observance comme un pas supplémentaire vers la spiritualité. 

                        (39) Les thngai sél dans une acception stricte sont les 8èmes jours des deux quinzaines, le jour de la pleine lune et le dernier jour du mois lunaire. 

                        (40) Il se peut, par exemple, qu’un poisson acheté ne soit mort qu'en apparence.

                        (41) Appartenant à la même famille des Solanum comme les autres « aubergines ».

                        (42) Sesbania grandiflora. 

                        (43) Sauropus androgynous.

                        (44) Les palmiers à sucre poussent bien sur le terrain, mais il n’y a pas d’homme dans la maisonnée pour y grimper.

                        (45) Tout à l’heure, dans le potager, on a pu seulement se procurer les feuilles et les tiges de citrouille.

                        (46) Khm. krauch soech : Citrus hystrix.

                        (47) Ici encore les cocotiers ne manquent pas, mais il faudrait un homme ou un garçon adolescent pour y grimper.

                        (48) Grillé à sec dans une poêle, puis pilé.

                        (49) Ko, d’où le nom du somlâ : kâ-ko.

                        (50) En règle générale, les gens de la province de Siem Reap sont généreux dans l’utilisation du lait de coco. Concernant spécialement le somlâ kâko, on peut même dire que dans le reste du Cambodge, ce lait est absent.

                        (51) Je cherche en vain, dans le coin cuisine comme dehors, au sol, un quelconque foyer à bois.

                        (52) C’est le cas aussi, rappelons-nous, de A, B et D.

                        (53) Dialium cochinchinensis. Le bois est très apprécié pour la fabrication des outils comme les planches à hacher, le couple mortier / pilon…

                        (54) Rappel : Ocimum sanctum, « basilic sacré ».

                        (55) Kaempferia galanga.

                        (56) À ne pas confondre avec le proh kro-aup, plante très voisine qui, elle, est carrément parfumée. On l’utilise pour faire des baguettes d’encens. Cf. KhmeRenaissance, rubrique I, n° 21.

                        (57) Espèce de coquillage rappelant vaguement les bigorneaux, en plus petit.

                        (58) Voir discussion plus loin.

                        (59) Nous ne sommes pas très loin du marché de Roluos. Autrement, en pleine campagne, à qui viendrait l’idée de la carotte ?

                        (60) De la plante aquatique Sesbania javanica.

                        (61) Le territoire ethnique de cette nation couvre une partie du Cambodge, de la Thaïlande et du Laos. La littérature sur les Kuoy est riche et variée. Au Cambodge, les Kuoy étaient surtout connus comme des réducteurs des minerais de fer.

                        (62) Elle me précisera plus tard qu’elle avait le choix entre le bœuf, le porc, le poulet et le poisson. Cela dit, il est permis de penser que, traditionnellement, l’utilisation de la viande de bœuf en tant que bovin domestique n’est pas chose fréquente.

                        (63) Garcinia oliveri. Ce serait plutôt chose rare que les feuilles de tromoung, une plante spontanée, se trouvent en vente au marché, en milieu véritablement urbain.

                        (64) Dame Ny aurait préféré le sucre de palme, qu’elle n’a pas ce jour-là.

                        (65) À base de poulet d’après les indications du sachet, l’ingrédient est destiné à relever le goût des plats. Dame Ny l’utilise dans cette maison où le mono-glutamate de sodium est banni.

                        (66) « Seulement quatre comme l’autre jour », pour ne pas brûler le palais khmer de la ville et, surtout, celui des Français !

                        (67) Fourmis rouges récoltées la veille, derrière la maison, et gardées dans le réfrigérateur.

                        (68) Schleicher aoleosa, arbre pouvant être considéré comme spontané, inexistant en ville et peu connu des citadins. L’acidité de ses fruits mûrs est accompagnée d’une agréable saveur gustative.

                        (69) Antidesma ghaesembilla.

                        (70) Diospyros decandra. Le fruit mûr, dégageant toujours un certain parfum, se mange nature. Vert, il est assez amer et ne se consomme jamais tel quel.

                         

                         

                         

                         

                        Les Archives nationales d’outre-mer à Aix-en-Provence & le Cambodge

                         

                        par Olivia Pelletier, conservatrice en chef du patrimoine, co-responsable des fonds Asie (Inde-Indochine) 

                         

                         

                        Les archives coloniales à Aix-en-Provence

                         

                        Les ANOM (archives nationales d’outre-mer) sont un service à compétence nationale rattaché au service interministériel des Archives de France (ministère de la Culture).

                         

                        Implantées depuis 1966 dans le quartier des universités à Aix-en-Provence, les Archives nationales d’outre-mer ont pour vocation d’accueillir, de conserver et de mettre à disposition du public les archives de l’expansion coloniale française, du XVIIe siècle aux indépendances (milieu des années 60 du XXe siècle). L’ère géographique des archives conservées à Aix-en-Provence concerne des territoires sur les cinq continents.

                         

                        Les ANOM sont dépositaires de deux ensembles archivistiques bien distincts. D’une part, les archives dites locales ou territoriales. Produites par l’administration coloniale dans les territoires, celles-ci ont été transférées en France après les indépendances. C’est pour elles que le Centre des archives d’outre-mer (CAOM) a été construit en 1966. D’autre part, les archives des ministères en charge de l’empire colonial depuis le XVIIe siècle (archives de la Marine et des Colonies créées par Colbert). Celles-ci ont été déposées à Aix-en-Provence en 1986. Elles ont été rejointes en 1996 par les archives du premier empire colonial, conservées jusqu’alors à la section outre-mer des Archives nationales.

                         

                        Parmi les nombreux territoires représentés dans les fonds conservés aux ANOM, l’Asie occupe une place importante avec les archives de l’Indochine et celles de l’Inde ainsi qu’avec des documents concernant d’autres territoires qui n’étaient pas sous administration française, mais qui entretenaient d’étroites relations avec les possessions françaises dans cette partie du monde, comme l’ancien royaume de Siam (actuelle Thaïlande), la Birmanie, la Corée, le Japon, la Chine, les Philippines, les colonies hollandaises et portugaises, etc.

                         

                        Les archives conservées à Aix-en-Provence regroupent des fonds très variés : archives papier les plus nombreuses, documents iconographiques au sein de l’iconothèque (photographies isolées, albums, cartes postales) et de la cartothèque (cartes et plans, affiches, lithographies), ainsi qu’une très riche bibliothèque (voir ci-dessous). Par ailleurs, de nombreux fonds d’origine privée complètent les fonds publics.

                         

                        Pour aider les chercheurs, une politique active de mise à disposition des catalogues en ligne a été entreprise. Le site internet propose outre un état général des fonds, un outil nommé IREL qui permet d’accéder à des inventaires détaillés en ligne, ainsi qu’à des bases de données. On peut ainsi y consulter le catalogue de la bibliothèque, une base image (base Ulysse) rassemblant photographies et affiches, cartes et plan, ainsi que plusieurs bases nominatives. Toutes ces bases sont en évolution constante.

                         

                        Par ailleurs, les ANOM poursuivent depuis plusieurs années une politique de numérisation des documents eux-mêmes qui se poursuivra dans les années à venir, privilégiant les fonds les plus demandés (état-civil, registres des matricules militaires). L’Indochine n’est pas encore concernée pour l’instant par la numérisation massive de documents (hormis l’état civil).

                         

                        La salle de lecture des ANOM accueille le public du lundi au vendredi. Horaires et informations sur le site internet des ANOM.

                         

                        L’Indochine aux ANOM

                         

                        L’Indochine, territoire administré par la France de 1853 à 1954, se composait de la colonie de Cochinchine et de trois protectorats : le Cambodge, l’Annam et le  Tonkin. Par décret d’octobre 1887, ces territoires furent regroupés dans l’Union indochinoise sous l’autorité d’un gouverneur général relevant du ministère des Colonies.

                         

                        Le Cambodge, protectorat depuis 1863, conservait son administration placée sous l’autorité du roi. Celui-ci dirigeait les affaires intérieures du pays, assisté d’un conseil de ministres présidé par le résident supérieur représentant le gouverneur général. Le Cambodge comptait quatorze provinces avec chacune à sa tête un résident. Après 1945 le commissariat de la République succéda à la résidence supérieure sous l’autorité du Haut-commissaire pour l’Indochine.

                         

                        Aux ANOM, les archives territoriales relatives à l’Indochine représentent environ 3 km linéaires de boites, liasses et registres. Elles comprennent également des cartes et plans, des documents iconographiques tels que photographies, affiches, estampes et cartes postales. Il s’agit de documents produits par l’administration civile dans les différents services centraux ou locaux de l’Indochine entre 1858 et 1954 : archives du gouvernement dit des Amiraux (1858-1879), des services du gouvernement général (avant 1945), puis du haut-commissariat. Les archives des administrations locales sont celles des services des résidences supérieures et bureaux rattachés.

                         

                        Suite à une convention signée le 15 juin 1950 entre la France d’une part et les différents pays de l’Union indochinoise d’autre part (Cambodge et Vietnam), les archives dites de souveraineté concernant les actes de haute administration, l’organisation de la police, de la justice et de l’armée, les dossiers de personnel, l’état civil des Européens ont été transférées. Après avoir transité par différents lieux en France, ces archives sont arrivées à Aix-en-Provence en 1966. Il s’agit des archives de la période dite des Amiraux et du Gouvernement général de l’Indochine et des administrations décentralisés (résidences supérieures). Pour la période après 1945 ce sont les archives du Cabinet et des services rattachés au Haut Commissariat, les archives des conseillers et directeurs (direction du Trésor, conseiller politique, conseiller économique, conseiller aux affaires sociales, dommages de guerre, bureau de la documentation), ainsi que les archives des services décentralisés (commissariat à la République pour le Cambodge).

                         

                        Les archives émanant des services techniques de l’administration coloniale, dites archives de gestion, sont restées sur place. Il s’agit des dossiers d’instruction et de suivi des affaires en matière d’enseignement, de justice, de police, de travaux publics, de santé, etc. On peut aujourd’hui les consulter dans les différents centres des archives nationales au Cambodge (Phnom Penh), au Laos (Vientiane) et au Vietnam (Hanoï, Dalat, HCMV).

                         

                        Quelles sont les sources sur le Cambodge ?

                         

                        La documentation concernant le Cambodge colonial est riche à l’image des collections conservées aux ANOM. Ces sources ont un intérêt pour l’ensemble des champs de la recherche historique mais également pour les études en ethnologie, en sociologie, en archéologie, etc.

                         

                        Parmi les archives locales (produites sur place et transférées après les accords de 1950), les fonds spécifiques au Cambodge sont ceux de la Résidence supérieure (1863 à 1945) et du commissariat pour la République (1945 à 1955). Ils regroupent des dossiers provenant à la fois de Phnom Penh et des différentes provinces. L’ensemble de ces documents représente 253 mètres linéaires. Une partie seulement de ces fonds est classée (95 m linéaires) et donc accessible en salle de lecture.

                         

                        Il s’agit de dossiers intéressant l’administration et la gestion du Cambodge : rapports politiques et économiques, dossiers de personnel, organisation administrative des provinces, registres de correspondances entre les services à l’intérieur de l’Indochine et avec le ministère, arrêtés et textes officiels réglementant la vie dans le protectorat et les relations avec la dynastie régnante, etc. En plus de cette documentation écrite, accessible sous forme de dossiers ou de registres, 1146 images numérisées sont consultables sur la base Ulysse. De nombreuses autres sont communicables en salle de lecture, à partir des inventaires disponibles sur place.

                         

                        Le fonds du Gouvernement général de l’Indochine comporte également de nombreux dossiers sur  tous les sujets relatifs à l’administration du Cambodge : affaires politiques, militaires, économiques, relations avec des particuliers, etc.

                         

                        Le « fichier Boudet », du nom du premier directeur des Archives et bibliothèques de l’Indochine, permet de se repérer dans ce fonds. La recherche se fait par mot-clé matière, nom de personne, de lieu (ville, province, fleuve), d’institution ou d’association. Il permet également une recherche via le cadre de classement méthodique. Celui-ci comprend vingt-six séries désignées par des lettres (série A : actes officiels, série C : personnel, série F : affaires politiques, série H : travaux publics, série Q : affaires militaires, série R : instruction publique …). Ce fichier est essentiel pour la recherche concernant le Cambodge.

                         

                        Pour la période après 1945 l’ensemble des fonds correspondant aux archives produites par les différents services dépendant du Haut-commissariat sont utiles : cabinet du Haut-commissariat, conseiller politique, conseiller économique, conseiller diplomatique, conseiller aux affaires sociales, Service de protection du corps expéditionnaire, dommages de guerre, etc. Pour une vision plus complète se reporter au site des ANOM, onglet « Rechercher »

                         

                        En dehors des fonds territoriaux, il faut également consulter les archives produites par les différents services du ministère des Colonies.

                         

                        La série géographique Indochine (séparée en « ancien fonds » et « nouveau fonds » suivant que les dossiers ont été produits avant ou après 1920) est une série « fictive » issue de la dislocation des fonds de plusieurs services du ministère. Elle rassemble une très importante documentation sur l’ensemble des sujets intéressant les affaires politiques, militaires, économiques et sociales dont le cadre de classement (différent de celui des archives locales) est le reflet : série A pour les affaires politiques, série B pour les relations extérieures, série M pour le travail et la colonisation,  etc.

                         

                        Les autres fonds incontournables : la direction des affaires politiques du ministère des Colonies, le Service de Liaison des Originaires des Territoires français d’outre-mer ou SLOTFOM, la Direction des travailleurs indochinois ou DTI, la direction des Affaires militaires, la direction des affaires économiques, la direction du Contrôle, l’Inspection des travaux publics, l’École coloniale, l’Agence économique de la France d’outre-mer.

                         

                        Aussi riches soient-elles les collections conservées à Aix-e-Provence sont complémentaires d’autres fonds conservés dans différents centres d’archives, notamment en France : le ministère des Affaires étrangères, le ministère des Armées, les Archives nationales, les archives départementales (voir site FranceArchives).

                         

                         

                        Quelques focus

                         

                        Les frontières et traités 

                         

                        En 1904 et 1907 la France obtient la restitution des provinces occidentales de Battambang et Siem Réap qui étaient restées sous domination siamoise depuis 1867 en échange de la reconnaissance par le Siam du protectorat français signé dès 1863. Les ANOM conservent plusieurs dossiers sur la délimitation des frontières entre le Cambodge et le Siam notamment les travaux de la commission idoine contenant des cartes, plans et relevés, mais aussi des rapports et de nombreuses correspondances : fonds du Gouvernement général, du HCI (conseiller politique, cabinet), fonds de la RSC et du HCC pour les fonds locaux, série géographique Siam et série géographique Indochine pour les fonds ministériels. Plusieurs cartes sont conservées en cartothèque. Concernant les frontières avec la Cochinchine (actuel Vietnam) la plupart des dossiers se trouvent dans le fonds du Gouvernement général de l’Indochine : décrets, arrêtés, rapports officiels, correspondances, cartes et plans.

                         

                        Le temple d’Angkor et l’archéologie 

                         

                        Les ANOM ne conservent pas un fonds en particulier sur le temple d’Angkor. Cependant l’histoire de ce site archéologique emblématique de l’architecture khmère est éclairée par plusieurs dossiers, notamment celui concernant l’affaire Malraux-Chevasson et le vol des bas-reliefs du temple de Banteay Srei conservé dans le fonds de la résidence supérieure au Cambodge. Voir aussi en iconothèque 8 Fi 158 : album de photographies sur Angkor.

                        Bas-relief saisi par la police dans les bagages du couple Malraux le 22 décembre 1923. Photographie illustrant le rapport rédigé par Henri Parmentier, correspondant de l’EFEO, 1924.  FR ANOM RSC 208.

                        Les relations avec les souverains de la dynastie khmère

                         

                        Ce thème est représenté dans la série géographique Indochine (sous-série A 71) et dans le fonds du Gouvernement général, ainsi que par des photographies conservées en iconothèque (voir Base Ulysse accessible en ligne et inventaires en salle de lecture).

                        Phnom Penh, le résident supérieur Baudoin s’entretenant avec SM Sisowath, entre 1911 et 1926, photographie issue du fonds de l’Agence de la France d’outre-mer. FR ANOM 31 Fi K231N02.

                        Enquête ethnographique

                         

                        En 1936, une « commission d’enquête dans les territoires d’outre-mer » placée sous la direction du député Henri Guernut est chargée d’étudier, par le biais de questionnaires et de rapports, les conditions de vie des populations colonisées à partir de six thématiques : l’habitat, l’alimentation, les migrations intérieures, les métis, l’industrie, les Européens et assimilés. Les dossiers sont classés par pays et par province. Ils sont illustrés de nombreuses photographies, croquis, graphiques, plans et cartes. L’inventaire détaillé du fonds est accessible en ligne.

                         

                        Voir aussi : fonds Fourès.

                         

                        Fonds privés

                         

                        En dehors des collections issues de l’administration coloniale, les ANOM conservent un ensemble important de fonds d’origine privée entrés par don ou achat.

                         

                        Le fonds Auguste Pavie conservé sous la cote 46 APC est formé des papiers de ce breton né à Dinan (1847-1925) chargé à partir de 1871 de construire la ligne télégraphique Phnom Penh Bangkok. Passionné par le Cambodge et sa culture, il est à l’origine de l’école cambodgienne de Paris, future École coloniale. Il dirigea trois missions d’exploration dans la vallée du moyen Mékong (Cambodge, Laos). Le fonds contient de la correspondance, des photographies et de nombreux dessins, ses carnets d’exploration et des études diverses. On y trouve également ses journaux de marche au Cambodge (voir inventaire détaillé en ligne).

                        Dessin cambodgien. Fonds Auguste Pavie. FR ANOM 46APC 2.

                        Collections photographiques et affiches

                         

                        Les ANOM conservent un ensemble exceptionnel de documents iconographiques (tirages et négatifs photographiques, cartes postales, affiches) provenant d'archives publiques (secrétariats d'État et ministères qui ont géré les colonies du XVIIe siècle jusqu'au milieu du XXe siècle, gouvernements généraux, etc.) et d'archives privées, entrées par voie de don, acquisition, legs ou dation. Une partie de ces images est consultable en ligne sur la Base Ulysse qui comprend 1140 images et 6 affiches concernant le Cambodge.

                        Exposition coloniale nationale de Marseille 1906 Cambodge. Théâtre indo-chinois. Danses cambodgiennes, affiche en couleurs illustrée de Beauvais (C.H), imprimeur Moullot (fils aîné), Marseille. Sous réserve des droits réservés aux auteurs et ayants droit. FR ANOM 9Fi 585.

                        Cartothèque 

                         

                        La cartothèque représente un ensemble de plus de 60 000 pièces allant du XVIIe au XIXe siècle et couvrant tous les territoires des anciennes colonies sur les cinq continents. Plusieurs fichiers en salle de lecture permettent de faire une recherche par zone géographique. Les inventaires détaillés des sous-série CP 1 à 4 PL correspondant aux cartes et plans isolés sont consultables en ligne.

                        Salle de lecture de l'ANOM

                        Le fonds Asie dans la bibliothèque des Archives nationales d’outre-mer

                         

                         

                         Sylvie Pontillo, chargée d’études documentaires, responsable de la bibliothèque

                         

                        Par l’ancienneté, la richesse et l’ampleur de ses fonds, la bibliothèque des ANOM est un pôle de référence en France dans le domaine de la colonisation française. Riche de 120 000 documents, labellisée CollEx ("Collections d'excellence") depuis 2020, elle conserve un ensemble exceptionnel de ressources documentaires imprimées qui complète le domaine des archives coloniales françaises conservées à Aix-en-Provence.

                         

                        Les origines de cette bibliothèque 

                         

                        En 1966, le Dépôt des archives d’outre-mer destiné à accueillir les archives transférées des territoires devenus indépendants, intègre une partie de la bibliothèque du gouvernement général de l’Algérie. À ce noyau initial s’ajoutent en 1975, les ouvrages et les périodiques concernant la colonisation française, de la bibliothèque de l’ancienne École coloniale. En 1986, le transfert vers Aix-en-Provence des archives de l’ancien ministère de la France d’outre-mer s’accompagne de la bibliothèque du ministère des Colonies. Enfin, la bibliothèque de l’érudit martiniquais Moreau de Saint-Méry, formée de livres, factums, journaux antillais d’une grande rareté de la fin du XVIIIe siècle vient compléter ce corpus.

                         

                        Les collections de la bibliothèque

                         

                        Les collections de la bibliothèque sont très spécialisées mais sur un sujet qui touche à un grand nombre de domaines, comme l’histoire, le droit colonial, la littérature, l’ethnologie, etc. Ces thèmes intéressent depuis longtemps les chercheurs et continuent de susciter leur intérêt. 

                         

                        Les fonds sur l’Asie

                         

                        Parmi les ensembles les plus riches pour les historiens qui travaillent sur l’Asie du Sud-est, il faut citer la bibliothèque de l’ancienne École coloniale et celle du ministère des Colonies.

                         

                        Installée à Paris, l’École coloniale (devenue ensuite, à partir de 1934, l'École nationale de la France d’outre-mer - l'ENFOM) formait les fonctionnaires appelés à travailler dans les différents pays de l'Empire français. Les livres proposés aux élèves sont d’une grande diversité dans des domaines aussi larges que les religions, l’enseignement, les traditions, la littérature, la vie économique, la linguistique (dictionnaires français-laotien, français-khmêr, français-annamite…). Le premier directeur de l'École coloniale, Étienne François Aymonier (1844-1929), officier et administrateur colonial est un spécialiste des cultures khmère et cham. 

                         

                        Les fonds du ministère des Colonies permettent de compléter les recherches sur cette aire géographique grâce à des publications officielles et une série riche de journaux indochinois.

                         

                        La presse constitue une des meilleures sources d’information sur la vie en Indochine depuis le début du XXe siècle jusqu’à l’indépendance. La collection de journaux khmers est modeste, elle contient une quinzaine de titres seulement ; télécharger ici la liste des journaux sous format pdf.

                         

                        Un enrichissement régulier

                         

                        La bibliothèque essentiellement patrimoniale, continue de s’enrichir progressivement, que ce soit  par achats ou par des dons en provenance d’institutions, d’enseignants, de généalogistes. Ces documents, riches en publications souvent rares, complètent les collections de la bibliothèque. En 2015, les ANOM ont reçu un don constitué de 150 ouvrages écrits par Clotilde Chivas-Baron  (1876-1956) ou lui ayant appartenu. L’Indochine où elle recueille les récits d’un ministre annamite et d’un missionnaire français sert de cadre aux récits de la romancière. Elle évoque dans ses romans les problèmes de la société coloniale : la condition de la femme, la prostitution, la misère sociale, la question métisse, sujet peu évoqué dans la littérature coloniale. 

                         

                        Des collections accessibles 

                         

                        La consultation des ouvrages s’effectue exclusivement en salle de lecture. 

                         

                        Un catalogue informatisé contient les références des documents imprimés présents dans les quatre fonds bibliographiques conservés à Aix-en-Provence. Les périodiques -dont un millier d’unica- sont également présents dans le catalogue SUDOC-PS. Cette ressource offre une bonne visibilité de la bibliothèque et des collections de périodiques et suscite de nombreuses demandes de chercheurs pour des reproductions d’articles.

                         

                        Moderniser les outils et élargir le public

                         

                        La bibliothèque se modernise et développe des outils pour améliorer le signalement de ses collections. Elle participe régulièrement à l’enrichissement de plusieurs bases collaboratives. Un corpus de revues coloniales est disponible sur Odyssée (la bibliothèque numérique patrimoniale d’Aix-Marseille Université) et une partie de la bibliothèque Moreau de Saint-Méry est consultable sur Gallica. Les opérations de numérisation se poursuivent régulièrement.

                         

                        La bibliothèque est active sur les réseaux sociaux (Twitter, Instagram). Elle participe à un évènement hebdomadaire #VendrediLecture, l’occasion d’attirer l’attention des internautes sur ses fonds. Au cours de l’année 2022, le 400e anniversaire de la naissance de Molière a été évoqué. En effet, ses œuvres ont été jouées en français en Indochine et traduites en vietnamien par Nguyen Van Vinh. Le grand chimiste Louis Pasteur fut également mis à l’honneur, le premier Institut Pasteur fondé hors de métropole fut créé en 1891 par le docteur Albert Calmette à Saïgon. 

                        Le Bourgeois gentilhomme (Trưởng giả học làm sang) de Molière traduit en vietnamien par Nguyễn Văn Vĩnh en 1921. Cote BR 12108C.

                        Les liens avec d’autres institutions

                         

                        La bibliothèque fait partie du réseau national DocAsie depuis 2016. Ce réseau recense les fonds spécialisés sur l’Asie et réunit des bibliothécaires à l’occasion de journées et colloques. Au mois de juin 2022 a eu lieu la 15e édition de DocAsie organisée par les ANOM et la Maison Asie-Pacifique. La réunion annuelle du réseau était dédiée aux archives en bibliothèque. À cette occasion, la bibliothèque a pu renforcer ses liens avec les institutions spécialisées sur l’Asie.

                        SOURCES &   DOCUMENTS

                        (Re)découvrir Nokor khmer, éphémère mais ambitieuse revue de diffusion des connaissances du monde khmer

                        Nokor khmer est un revue culturelle trimestrielle éditée à 4 000 exemplaires, dont le premier numéro est paru en octobre 1969. Dans la lignée des revues de langue française de l’État cambodgien dominé entre 1955 et 1970 par le régime politique du Sangkum du prince Norodom Sihanouk (parmi ces publications citons la revue Le Sangkum, Kambuja), Nokor khmer a pour objectif de donner une image positive du Cambodge à l’international, donc de son dirigeant. La revue est d’ailleurs présidée formellement par le prince en personne et la ligne s’inscrit clairement dans la valorisation de l’histoire et de la culture khmères. Nonobstant, ce cadre éditorial offre des articles qui restent, même après un demi-siècle, des écrits de bonne facture. C’est une réussite à mettre au crédit de son rédacteur-en-chef, Charles Meyer, un Français présent au Cambodge depuis 1946 et qui fut un conseiller en communication et en relations publiques du prince Sihanouk dans les années 1950 et 1960.

                         

                        Véritable maître d’œuvre de la revue, il donna corps à sa ligne éditoriale par des commandes d’article de vulgarisation auprès de connaisseurs du pays khmer (Bernard Philippe Groslier, Jean Boulbet, Vann Molyvann…).

                         

                        Sur ce, l’on ne peut que regretter la courte expérience de la revue ; victime collatérale des fortes tensions politiques travaillant le pays au premier trimestre 1970, dont l’acmé sera le coup d’État du 18 mars contre le prince Sihanouk, le n° 2 de la revue sorti au début de l’année 1970 coïncide avec le dernier engagement intellectuel de Charles Meyer dans le royaume khmer, avant son départ définitif dans les mois suivants.

                        Nokor khmer étant difficilement consultable de nos jours, il nous paraît opportun d'offrir à la curiosité de nos internautes trois  articles extraits du n° 1 de la revue. 

                         

                        Le premier article, rédigé par Charles Meyer, est consacré à l'historique du ballet royal khmer.

                         

                        Meyer, Charles, « Le ballet royal du Cambodge », Nokor khmer, n° 1, 1969, pp. 2-17

                         

                        Un addendum iconographique extérieur à la revue est ajouté à notre initiative pour souligner  le glissement,  tout au long du XXe siècle, de la fonctionnalité de ce corps monial chorégraphique exerçant une gestuelle sacralisée à l'intérieur de l'enceinte du palais royal vers l'extérieur du palais jusqu'à l'étranger pour devenir une représentation théatrale au  service de la diplomatie du royaume. Ce « soft power » avant l'heure fut mis à l'honneur à l'occasion de la visite d'État du prince Sihanouk en France en  1964. Extraite du fonds « Collection numérique : Photographie de spectacle de l'après-guerre à nos jours » de la BnF, voici donc une série de photos de la représentation du ballet royal khmer à Paris dans le sillage de cette visite d'État : cliquez ici.

                         

                        Le deuxième article est rédigé par Bernard Philippe Groslier. Conservateur d'Angkor, il présente un historique de la recherche archéologique sur ce site palatial de la période angkorienne, en détaillant pour le grand public les dernières avancées de terrain.

                         

                        Groslier, Bernard-Philippe, « La Terrasse du roi lépreux », Nokor khmer, n° 1, 1969, pp. 18-33.

                         

                        Le dernier article met en lumière un maître-architecte, Vann Molyvann (1926-2017) qui, en binôme avec le prince-dirigeant Norodom Sihanouk ont forgé l'identité visuelle du Cambodge post-indépendant, pour qui l'architecture, l'urbanisme sur un plan plus large, doit nécessairement intégrer les techniques modernes occidentales et l'ingénierie traditionnelle des Khmers ; le béton armé qui s'adapte à une pensée multiséculaire de l'espace clos en fonction de son éco-système. Ainsi, sa pensée architecturale va au-delà des limites de la technique et des calculs, elle intègre l'environnement, la culture et le savoir-faire empirique des anciens Khmers. Il pense l'humain avant de penser la chose  technique. À sa façon, Vann Molyvann est un humanisme qui a marqué le pays de son empreinte architecturale.

                         

                        « La nouvelle architecture  khmère, entretien avec Vann Molyvann », Nokor khmer, n° 1, 1969, pp. 34-47.

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