AEFEK
Association d'échanges et de formation pour les études khmères
Le legs de l'orientalisme français - Archives sonores
Série de conférences de figures de l’orientalisme français ayant pour terrain d’étude l’aire civilisationnelle khmère
ARCHIVES SONORES DE LAN SUNNARY
Parmi les premières archives à traiter, le choix s’est porté sur les enregistrements audio de Lan Sunnary. Ancien étudiant khmer à la Faculté d’archéologie de l’Université Royale des Beaux-Arts de Phnom Penh et réfugié en France en 1970, sa curiosité intellectuelle et son besoin de contribuer à préserver la culture de son pays natal l’ont amené à fréquenter les séminaires et conférences de diverses sociétés savantes parisiennes (cf. KHING, Hoc Dy, « In memoriam Lan Sunnary (1945-2014) », Péninsule n° 68, 2014 (1), pp. 5-8). Sur les rives du Mékong comme sur les bords de la Seine, il eut l’initiative ô combien heureuse d’enregistrer sur cassettes analogiques un « savoir du Cambodge » enseigné oralement dans les années soixante-dix et quatre-vingt par deux éminents savants de nos études, Saveros Pou (1929-2020) et Bernard Philippe Groslier (1926-1986). L’AEFEK tient à remercier Monique Petitjean, veuve de Lan Sunnary, de nous avoir remis ces cassettes. Il nous a paru essentiel, dans un premier temps, de préserver ces enregistrements contre l’usure du temps en les numérisant ; ce nouveau format numérique (mp3) nous permet aujourd’hui d’en faire profiter l’ensemble de la communauté scientifique ainsi que le grand public intéressé par ces conférences en les publiant sur notre site internet. Malgré des bruits parasites inhérents à ce type d’enregistrement, et nonobstant les limites de ces archives sonores qui ne rendent pas compte des supports visuels qui venaient illustrer le propos des intervenants (notes sur un tableau, distribution d’imagiers, projections de diapositives et de cartes), la double valeur scientifique et historiographique de ces conférences en font un outil pour la khmérologie d’aujourd’hui.
Conférences de Saveros POU au CEDORECK
Le CEDORECK en quelques mots...
Le Centre de Documentation et de Recherches sur la Civilisation Khmère (CEDORECK) fut fondé en février 1978 [1]. Le groupe de jeunes chercheurs cambodgiens et français qui en animait la branche scientifique fit rapidement la preuve de son dynamisme en publiant deux volumes consacré aux études khmères, en 1980 puis en 1981, correspondant aux quatre premiers numéros de la revue Seksa Khmer [2]. Madame Saveros Pou, qui résidait alors en Angleterre, en avait signalé favorablement l’existence aux orientalistes à travers un compte rendu de la première livraison qu’elle fit paraître dans le Journal Asiatique [3]. Dès que les conditions pratiques le permirent, l’équipe rédactionnelle de Seksa Khmer convia Madame Pou à venir prononcer un cycle de conférences au sein des locaux qu’occupait l’association dans le Quartier latin, au 218 de la rue Saint-Jacques.
En l’invitant à venir parler de sujets en relation avec l’histoire de la langue et de la civilisation khmères, leur objectif était de parachever leur formation au contact de celle qui était déjà reconnue comme une grande savante dans le monde des indianistes et des sud-est asianistes [4]. Pour ceux qui ne l’ont pas connue, c’est l’occasion de découvrir la voix d’un chercheur de talent qui fut en toutes circonstances un remarquable pédagogue. On l’entendra exposer des matériaux de recherche inédits, à la manière d’un séminaire de philologie et, chemin faisant, avancer telle ou telle hypothèse sur l’histoire des contacts culturels entre le monde khmer et différentes cultures étrangères, proches ou lointaines. Il manque à ce portrait sonore le tableau que Madame Pou utilisait abondamment pour inscrire en khmer, en translittération scientifique ou en alphabet phonétique, les mots dont elle interrogeait l’étymologie, le sens et la portée historique. On comprendra toutefois l’importance de cet enseignement au fait que la plupart des mots traités dans ce cadre ont donné lieu à la publication d’articles dans diverses revues scientifiques, que nous avons signalés pour chacune des conférences.
C’est en outre l’occasion de découvrir une atmosphère révolue : une génération d’étudiants engagés dans un renouveau de leur discipline en même temps qu’entravés dans leurs recherches – le Cambodge leur était interdit depuis le milieu des années soixante-dix – témoignaient avec ferveur d’une volonté d’œuvrer collectivement, avec l’aide de quelques Français, non seulement pour un renouveau des études khmères, mais encore pour la conservation et la transmission de la culture cambodgienne. Les « étudiants » que Madame Pou instruit, et avec lesquels elle dialogue à l’occasion, sont alors Jacques Népote, historien et ethnologue, qui émargeait au CNRS [5] ; Ang Chouléan, ethnologue, qui venait de rédiger sa thèse de doctorat ; Khing Hoc Dy, spécialiste de littérature khmère ; Nouth Narang, le président du CEDORECK, lui-même ethnologue de formation, ou Lan Sunnary, engagé dans des études d’histoire de l’art, sans compter ceux dont les bandes sonores ne restituent pas toujours la présence mais aussi les quelques absents dont l’évocation élargit encore le petit cercle de cette communauté d’études : Michel Tranet, ou Jean Ellul, qui achevait alors la rédaction de son doctorat d’ethnologie en province.
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[1] NOUTH, Narang, « Le Centre de Documentation et de Recherche sur la Civilisation Khmère (CEDORECK) », Seksa Khmer, n° 1-2, 1980, pp. 3-6bis.
[2] Seksa Khmer n° 1-2, décembre 1980 ; n° 3-4, décembre 1981.
[3] POU, Saveros, « C.R. de Seksa Khmer ,n° 1-2, Déc. 1980, Cedoreck, Paris, in-8º, 241 p. », Journal Asiatique, t. CCLXIX, 1981, pp. 516-518.
[4] MIKAELIAN, Grégory, « Introduction », [in ]Saveros Pou, Choix d’articles de khmérologie, Phnom Penh, Reyum, 2003, pp. iii-xi.
[5] VIENNE, Marie-Sybille de, « Jacques Népote (1943-2006), premiers jalons pour un future bilan scientifique », Péninsule, n° 52, 2006 (1), pp. 5-38.
• Conférence du 03/02/1982 sur : « Dharma et Trivarga en khmer »
*Sujet : traite de l’évolution du trivarga (le dharma, l’ārtha et le kāma) sur la longue durée de l’histoire du Cambodge, de l’époque ancienne à l’époque contemporaine.
*Notions et mots clefs abordés : dharma ; ordre ; trivarga ; kāma ; Arthśāstra ; ārtha ; allégorie du taureau ; dharmaśāstra ; justice ; Manu ; codes de loi ; rajadharma ; dharmakāya ; dharm ; ārth.
*Bibliographie utile :
- POU,Saveros, « Dharma and trivarga in the Khmer Language », Ṛtam, Dr. Babu Ram Saksena Felicitation Volume, XI-XV, ed. by J.P.Sinha, Lucknow, 1983, pp. 289-297 réédité dans Choix d’articles de khmérologie, Phnom Penh, Reyum, 2003, pp. 216-224.
• Conférence du 13/07/1982 sur : « Les divinités révérées dans le Cambodge moderne »
*Sujet : traite spécifiquement des cinq divinités protectrices de la royauté (pañcaksetr) héritières du culte tutélaire de la royauté angkorienne (devarāja).
*Notions et mots clefs abordés : pañcaksetr ; srae puny (champ de mérites) : khloñ et notion de « travail » ; juṃnuṃ (résider) ; devāvinicchăy (salle du trône) ; mahāmandīr (appartements du roi) ; pañcadeva ; Gavampati, Kaccayana, Gaṇeśa (divinités patronnes de la magie) ; sociologie historique du monachisme bouddhique ; emprunts au môn (thar « or »).
*Bibliographie utile :
Sources
- CŒDES, George, « Stèle de Bàsak (Roṃduol) [K.70] », [in] Inscriptions du Cambodge, Hanoi, École française d’Extrême-Orient, collection de textes et documents sur l’Indochine III, vol. II, 1942, pp. 58-61, cf. st. VIII.
- POU,Saveros, « Inscriptions modernes d’Angkor 2 et 3 », BEFEO, t. LVII, 1970, pp. 99-126, cf. face A, l. 63.
- POU,Saveros, « Inscription de Vat Romlok (K.27) », [in] « Inscriptions khmères K.39 et K.27 », BEFEO, t. LXX, 1981, pp. 126-133, cf. l. 24-26, p. 127.
- POU,Saveros, « IV. Cérémonie d’installation du roi au Mahāmandīr », [in] « KpuonĀbāh-Bibāh, ou Le Livre du mariage des Khmers », trad. et éd. par …, BEFEO ,t. LX, 1973, pp. 261-262.
Critique
- ELLUL, Jean, « Le mythe de Ganésa : le Ganésa cambodgien, un mythe d’origine de la magie », Seksa khmer, n° 1-2, pp. 69-153.
- POU,Saveros, « Recherches sur le vocabulaire cambodgien (VII). Les doublets d’origine indienne », Journal Asiatique, 1971, cf. « n°14 kṣetra », p. 115.
- POU,Saveros, « Lexicographie vieux-khmère », Seksa Khmer, 7, 1984, cf. « kloñ, khloñ », p. 111.
- POU,Saveros, « Old Khmer Lexicology », Indus Valley to Mekong Delta. Explorations in Epigraphy, Madras, New Era Publications, 1985, cf. « thar » et « kloñ » p. 291.
*Pour aller plus loin sur le(s) thème(s) abordés lors de la conférence (pañcaksetr ; sociologie du monachisme theravada)
- BOURDONNEAU, É. & MIKAELIAN, G., « L’histoire longue du Devarāja. Pañcaksetr et figuier à cinq branches dans l’ombre de la danse de Śiva », [in] Emmanuel Francis & Raphaël Rousseleau (dir.), Rāja-maṇḍala. Le modèle royal en Inde, Puruṣārtha n°37, septembre 2020, pp. 81-129.
- NEPOTE, Jacques, « Pour une approche socio-historique du monachisme theravada. I Les grandes tendances du monachisme », Péninsule, n° 1, 1980, pp. 94-135, dont 4 cartes et 3 diagrammes. ; « II. La mise en place des signes du monachisme », Péninsule, n° 2-3, 1981, pp. 119-184 dont 3 cartes ; « III. La résistance à la bouddhisation », Péninsule n° 4-5, 1982, pp. 135-188 dont 5 cartes et deux diagrammes ; « IV. Les marges statistiques relatives », Péninsule, n° 8-9, 1984, pp. 137-196, dont 4 cartes et 5 diagrammes.
• Conférence du 12/04/1983 sur : « Vocabulaire indo-aryen non sanskrit en vieux khmer et vocabulaire arabo-persan »
*Sujet : : traite des emprunts aux langues indienne en dehors du sanskrit (prakrit, pali, dravidien) ; emprunts à l‟arabo-persan (passés par le malais ou l‟indonésien au cours de l‟époque moyenne).
*Notions et mots clefs abordés : Sturm und drang (en lien avec le développement des études indo-européennes) ; hatth (coudée) ; iṭṭ (brique) ; ambil (tamarin) ; udār (large, étoffe) ; sabb (tous) ; khvit (feronia limonia) ; bodhi (Ficus religiosa) ; chatthi (6e jour de la quinzaine) ; bol (parler, énoncer, déclamer) ; padigaḥ (crachoir) ; rūva (comme) ; srāp (phdil) ; vudi (récipient en métal) ; purṇami (pleine lune) ; khan (épée) ; pallaṅk (trône) ; cari (grand couteau, poignard) ; khār : (âcre, piquant) ; noms ethniques : kliṅg, Romes (Byzance, Romanichels, forgerons), Lao, Chinois ; des aek (caliquot) ; trājū (balance) ; sralai (hautbois) ; sārū (mousseline) ; sāklāt (flanelle) ; kramā (taillole).
*Bibliographie utile :
- BHATTHACHARYA, Kamaleswar, Recherches sur le vocabulaire des inscriptions sanskrites du Cambodge, Paris, Ecole française d‟Extrême-Orient, PEFEO vol. CLXVII, 1991, 89 p.
- BHATTHACHARYA, Kamaleswar, « Supplément aux recherches sur le vocabulaire des inscriptions sanskrites du Cambodge », BEFEO, t. LV, 1969, pp. 145-151.
- FILLIOZAT, Jean, “Les Dravidiens dans la civilization indienne”, Journal des Savants, 1969, N°2, pp. 74-91
- POU, Saveros, « Indic Loanwords in Khmer other than Sanskrit », Kambodschanische Kultur, n° 1, 1986, pp. 48-55.
- POU, Saveros, « Recherches sur le vocabulaire cambodgien. (XI) Des verbes parler en khmer », Journal Asiatique, 1983, 3-4, « 1.2. Vol ~ bol », p. 350.
- POU, Saveros, « Prākrit Loan-Words in Old Khmer », Ṛtam , Shri Gopal Chandra Commemoration Volume, XVI-XVIII, Lucknow, 1986, pp. 259-267, cf. « amvil », « curi », « chatthi », «hat », « it », « khān », « khvit », « padigaḥ », « pallaṅka », « purṇamī», « sab », « srāp », « ulāra », « rūva », « vadi », « bodhi », « vol ».
- POU, Saveros, « Lexicographie vieux-khmère », Seksa Khmer, 7, 1984, p. 115, 134, 159 « khā », « khān », « ruva », « ulāra », « vudi ».
- POU, Saveros, « Emprunts lexicaux khmer-moyen au monde indo-persan », Journal Asiatique, t. 296, 2008 (1), pp.141-156, en particulier « 8. kramā », « 14. trājū », « 31. sāklāt », «35. sārū », « 37. sralai ».
- TURNER, R. L., A Comparative Dictionary of the Indo-Aryan Languages, London, Oxford University Press, 1973, 841 p. (http://www.dsal.uchicago.edu/dictionaries/soas).
Cours sur le site d'Angkor de Bernard Philippe GROSLIER à la Faculté d'archéologie de l'Université royale des Beaux-Arts (URBA) de Phnom Penh (1970)
Nous sommes en mai 1970 à Phnom Penh. Le prince Sihanouk vient d’être destitué quelques mois plus tôt, le Cambodge est happé par la guerre du Vietnam et s’enfonce pour une décennie de violence dans laquelle s’illustrera tout particulièrement l’idéologie cathartique khmère rouge. Dans les salles de l’Université, l’historien et archéologue Bernard Philippe Groslier, conservateur des Monuments d’Angkor, de plus en plus éloigné de son terrain de recherche du fait de l’intensification des combats dans la région de Siemreap, prodigue un enseignement sur les monuments angkoriens aux étudiants khmers de ce qu’on appelait alors la Farchéo (Faculté d’archéologie). L’archéologue leur livre un état de la connaissance au plus proche des dernières découvertes. Le dis(cours) s’appuie en effet sur ses études de terrain (fouilles, analyses de l’écosystème, pétrochimie).
Avec ces 3h20 d’enregistrement audio, le terme « archives » prend ici tout son sens. Ces enregistrements sont issus de deux cassettes analogiques vieilles d’au moins un demi-siècle. L’usure des bandes magnétiques favorise des bruitages parasites qui impactent sur la qualité de l’écoute ; sans compter la piètre performance des outils d’enregistrements mobiles de l’époque sans commune mesure avec celle des outils d’aujourd’hui. Enfin, détail supplémentaire, l’acte de déclenchement de l’enregistrement n’est pas toujours en phase avec le début de chaque cours. Malgré ces imperfections, ces enregistrements d’un des maîtres de nos études au moment même où le Cambodge bascule dans la guerre demeurent un moment marquant de l’histoire de la khmérologie.
• Cours datés du 05/05/1970 ; 06/05/1970 ; 07/05/1970 ; 08/05/1970 ; 09/05/1970 ; 11/05/1970
• Cours datés du 11/05/1970 (suite) ; 12/05/1970
Conférences de Bernard Philippe GROSLIER à l'EHESS
Cycle de 5 conférences, du 20 février au 3 avril 1981, sous le titre général « L’apport de l’archéologie à l’histoire de l’Indochine ». Paris : Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, dans le cadre de la Direction d’Etudes de Denys Lombard. Il manque dans ce cycle numérisé la première conférence du 20 février qui abordait le sujet de la proto-histoire de l'Indochine.
• Conférence de l’EHESS du 13/03/1981
• Conférence de l’EHESS du 20/03/1981
• Conférence de l’EHESS du 27/03/1981
• Conférence de l’EHESS du 03/04/1981
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